INTERVIEW - Dossier Impetus Fest (2010)

Metallica ? Rammstein ? Placebo ? Ne cherchez pas, vous ne les verrez pas à l’Impetus Festival. Et, quelque part, c’est tant mieux ! Ce nouveau raout lausannois n’est pas une fête à la saucisse de plus : c’est un événement pour mélomanes avertis. La preuve ? Une affiche centrée exclusivement sur des formations aussi inspirées que variées. Pas de tête d’affiche donc mais une kyrielle d’artistes de génie qu’on conseillera à toute personne capable d’un minimum d’ouverture d’esprit. Avec tout ceci, il nous a semblé intéressant d’aller poser quelques questions à Renaud, l’un des organisateurs, afin qu’il nous aide à tout vous révéler sur cet événement qu’est l’Impetus.



- Tout d'abord, d'où est née cette idée de festival de cultures et de musiques divergentes ?

Eline et moi-même (qui étions la première équipe de programmation du Romandie entre 2005 et 2008) étions un peu désoeuvrés, et on avait envie de créer quelque chose à Lausanne qui ait un lointain rapport avec Roadburn, soit un festival indoor, avec une programmation assez ciblée, et plusieurs lieux qu'on puisse parcourir en une même soirée. Nos bons contacts avec les gens du Bourg, du Bleu Lézard, du D! et bien sûr du Romandie nous ont permis de finaliser le projet assez vite !

- Vous faites ce festival en partenariat avec l'aire urbaine de Montbéliard-Belfort-Héricourt-Delle. J'avoue avoir un peu de mal à comprendre l'intérêt d'une telle collaboration qui est assez inédite. Que vous a apporté ce partenariat ?

Au départ on avait proposé à Kem (programmateur des Eurockéennes et ami de longue date) de programmer un des soirs du festival, et il se trouve qu'il était précisément en train de réfléchir à un projet similaire avec des gens de Belfort et de Montbéliard ! Du coup, au lieu de lancer un nouveau festival, on en a lancé deux ! Les avantages sont assez évidents : réseautage accru pour réussir à avoir certains groupes, partage de frais et de compétences, échanges entre des projets locaux (Sludge vs Oktopus jouent chez eux, Generic de Montbéliard chez nous), meilleure visibilité auprès des partenaires et sponsors, et bien sûr des intérêts humains vu notre philosophie musicale assez similaire !

- Quelle est la principale difficulté de faire un festival sur trois jours en quatre lieux différents ?

Les avantages des lieux sont en fait aussi leurs inconvénients, ils sont tous (à l'exception du D!) de petite taille, ce qui permet cette programmation découverte mais qui nous oblige également à nous tenir à des groupes pas trop chers. Ensuite, il faut réussir à diversifier la programmation tout en la gardant cohérente, afin de créer une vision d'ensemble attrayante pour le public, mais sans surcharger les mêmes styles.

- Comment se passe la sélection des groupes, quels ont été vos critères ?
La priorité était de faire venir des groupes noise / doom / black ou death metal, car on en a peu souvent à Lausanne. Du coup, Kylesa, Eyehategod ou Nachtmystium ont été des premiers choix ! Ensuite, on a diversifié l'affiche en essayant d'élargir à des styles un peu différents (electro expérimentale, rock garage, par exemple) qui puissent s'intégrer dans le projet sans diluer cet état d'esprit ‘underground’.

- Vous avez choisi exprès une programmation très underground sans noms ronronnant en tête d'affiche, même si je ne peux que vous féliciter de la chose, c'est un choix osé non ?

Oui et non, le concept même de l'événement et la taille des salles ne nous permettaient pas de miser sur des gros noms, même si on avait la possibilité de caser une ou deux têtes d'affiche au D!, elles ne se sont pas présentées et l'avantage d'Impetus est qu'on n’est pas obligés de remplir à tout prix si on ne trouve pas la tête d'affiche de rêve. On a eu la chance d'avoir un bon feed-back de la part des subventionneurs et des sponsors, et le Romandie nous soutient aussi logistiquement et financièrement, du coup, les risques sont calculés, on n’est pas obligés
de remplir chaque salle chaque soir pour s'en sortir. Et miser sur l'identité ‘underground’ du festival est délibéré, c'est comme ça qu'on pourra, peut-être, l'installer dans le long terme.

- En parcourant la programmation, j'ai été surpris de voir qu'un film s'est glissé sur l'affiche. ‘Fuck You’, un film sur la scène expérimentale chinoise… Vous avez vraiment décidé de surprendre et d'éveiller la curiosité avec ce choix ou y a-t-il un adepte de ce style dans le comité d'organisation ?

Lorsqu'on a booké Z. Karkowski (un pape de la musique bruitiste, à côté de Merzbow), Impetus France (où il joue aussi) nous ont dit qu'ils projetaient un docu inédit sur Karkowksi en Chine, ça nous a paru une plus-value pour les adeptes de cette musique assez extrême, même s'ils sont peu nombreux.

- Je sais que tu vas me dire qu'il faut assister à tout, mais quels sont tes coups de cœur de la programmation, qu'est-ce que les gens ne doivent pas rater ?

Kylesa, Sludge vs Oktopus, Eyehategod, Kong, et Dead Brothers, pour ma part. J'espère que j'aurai trente minutes pour aller voir un bout de chaque ! Et My Own Private Alaska au Bourg en clôture de festival le dimanche 18 à l'heure du goûter, j'adore cette idée !

- En Suisse romande (mais je crois que c'est général et pas seulement en Suisse), il est assez difficile de réussir à réunir des amateurs de rock dans le sens large dans une même salle pour faire découvrir de nouveaux talents. Ici vous proposez d'inonder Lausanne avec des concerts jusque dans trois salles différentes en même temps si j'ai bien vu, ce n'est pas un risque ?

On peut effectivement tomber de haut. C'est une première édition, donc on marche un peu sur des oeufs. On a essayé de faire une programmation qui attire simultanément des publics différents, mais qui peuvent avoir des intérêts à découvrir des styles voisins, en proposant notamment des pass pas chers pour chaque soir. Et les lieux ne sont pas immenses, donc même si on les remplit à moitié, le pari est presque gagné.

- Pour parler de l'événement en soi, comment ça va se passer au niveau de la billetterie ? Les gens achètent un pass par soir pour toutes les salles et ils devront les échanger au bar Bu sous les arches du Grand-Pont avant d'aller au concert, c'est correct ?

Oui, on peut acheter un billet pour une seule salle, ou prendre un pass (entre CHF 35.- et 38.-) qui donne accès à toutes les salles de la soirée. Mais tous les billets sont à échanger à la billetterie du bar Bu, qui sera sous une des arches du Grand-Pont côté place de l'Europe, ça nous permet de centraliser la caisse, et accessoirement d'avoir un peu de visibilité dehors. Il y aura un bar, des DJs, des animations visuelles, etc.

- Parle-nous un peu du pass ‘Rupin’ qui m'intrigue beaucoup, à quoi va-t-il servir ?

Le pass ‘Rupin’ est le pass pour tout le festival (pour les quatre jours), et il est en fait plus cher que les trois pass journaliers réunis ! On s'est dit que très, très peu de gens auraient envie de se faire la totale, et que ceux-là seraient ok de craquer un peu plus de thunes pour ne pas s'emmerder à la billetterie chaque soir, et accessoirement soutenir un peu le festival ! Idiot, hein ?

www.impetusfestival.com

Dave & Indy

Interview réalisée par e-mail en février 2010

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mis en ligne le : 21.06.10 par graber

INTERVIEW - Dossier Jailhouse Record (2009)

Oui, il subsiste encore de nos jours des labels de punk totalement dévoués à la culture DIY, et Jailhouse Records, basé aux States, en est la preuve vivante. Avec des groupes provenant tous de la scène underground pure et dure sur son roster, Jailhouse Records est un gage d’honnêteté et d’intégrité au sein de l’industrie musicale actuelle. The Spears (comptant des membres des mythiques Down By Law, D.R.I., Hated Youth, Pink Lincolns), Teenage Rehab, Moral Crux et encore plein d’autres excellents groupes possédant la même culture DIY ou ‘middle finger is up’ font les beaux jours du label. Entretien avec Dave, le boss de Jailhouse, qui nous donne un petit aperçu de la scène punk outre-Atlantique, de la culture DIY qu’il entretient au fil des années, de ses débuts dans l’industrie et de ses attentes en tant que label indé de nos jours. Jailhouse Records lance également en cette nouvelle année son sous-label Sixty Nine Apple Recordings !



- Jailhouse Records est basé à Hampton, en Virginie. Comment se porte la scène punk là-bas ?

En toute honnêteté, la scène punk en Virginie est complètement morte. Il y a eu un moment (il y a environ vingt ans) où nous avons eu une scène en pleine expansion qui a évolué jusqu'à ce qu’elle se soit complètement évaporée vers la fin des années nonante – début 2000. Rétrospectivement, on se rend compte que Hampton et Richmond (qui sont deux villes se situant juste à côté l’une de l’autre) ont vu naître une tonne de grands groupes influents. Nous avons vu évoluer des groupes tels qu’Avail, Candy Snatchers, Strike Anywhere, Municipal Waste et une multitude d’autres, qui ont depuis tous quitté la scène locale et signé sur de très bons labels. Ils connaissent aujourd’hui une renommée nationale, voire internationale. Plus personne ne vient voir de concerts dans le coin. Nous avons pas mal de bons groupes qui passent par ici, mais malheureusement, ils finissent inévitablement avec pas plus d’une poignée de kids comme public. Je suppose que je devrais me sentir mal à ce propos, ou alors je devrais avoir envie de supporter notre scène locale, mais le fait est que notre scène ici laisse à désirer. Il n’y a pas de groupes, mis à part un ou deux, qui valent la peine d’être vus. Tous les autres sont des groupes emo, ou peu importe quelle soit la mode du jour, ils veulent simplement imiter ce qu’il y a dans la presse alternative du moment. Donc oui, en bref, notre scène punk ici en Virginie est pourrie.

- Quand et comment as-tu commencé l’aventure Jailhouse Records ?

Wow, une question simple, mais la réponse est longue et étirée, donc je vais te raconter la version abrégée. J’ai grandi en écoutant du hardcore, je suppose dès l’âge de dix ou onze ans. J’ai fait ce que la plupart des punks de ma région faisaient à ce moment-là ; prendre de la drogue, se battre, et en général juste être un mec pourri. Le nom du label reflète tout ça et vient de beaucoup de temps passé derrière des bars. Cela remonte à longtemps et je suis maintenant clean et sobre, et ce point de ma vie est un chapitre clos. Le label a commencé comme beaucoup d’autres, après que je suis devenu sobre et que j’ai redressé ma situation, j’ai commencé à gérer un magasin / distributeur appelé Jailhouse et créé un zine qui s’appelait ‘Channels Of Bureaucracy’. J’ai sorti une compilation avec principalement des groupes locaux, juste pour le fun. Je suis un bon ami de Joe Queer, donc l’année suivante je l’ai appelé pour faire une action de charité afin d’aider la fondation de lutte contre la fibrose cystique, qui est une horrible maladie pulmonaire dont souffrait ma fiancée de l’époque. Nous avons donc mis aux enchères quelques souvenirs et albums rares des Queers, et il nous a donné quelques titres pour la compilation. Les choses se sont terminées en allant bien plus loin qu’on ne l’attendait, et nous avons réussi à collecter mille dollars pour l’action de charité. À ce moment, j’ai su exactement ce que j’avais envie de faire de ma vie.

- Quelle est ta position en tant que label punk indé et totalement DIY aujourd’hui dans la jungle qu’est l’industrie musicale ?

Honnêtement, être un label DIY aujourd’hui, du moins pour nous, est devenu beaucoup plus facile. Il semble que le grand déclin concernant les ventes de disques et les problèmes qu’affrontent les majors ont réellement creusé des océans. Et les labels indépendants ont obtenu beaucoup plus d’exposition et d’opportunités qu’auparavant afin de se faire remarquer. Le boom du vinyle y a certainement également beaucoup contribué. Les labels indépendants ont toujours pressé des vinyles ! Donc une fois que le boom du vinyle s’est produit, les labels DIY ont été soudainement mis en avant à nouveau. Les kids nous ont vus tout à coup comme étant à la mode, comme s’il y avait toute cette sous-culture que les kids n’avaient jamais remarquée avant que tout ait été soudainement poussé sous les feux de la rampe. La chose géniale à propos du DIY et du fait d’être indépendant, c’est que tout est construit dans la sous-culture qui existera toujours, et qui se lance à l’encontre du système capitaliste et des sociétés qui sont forcées de nous faire ingurgiter de la merde. Cette image ne s’en ira jamais, donc s’il y a un changement majeur ou une crise de panique au sein de l’industrie musicale, l’effet s’en ressent nettement moins dans la scène indépendante que dans les majors. Et aussi, nous n’avons pas d’argent, donc nous sommes habitués à être pauvres ! Nous n’avons pas besoin de millions de dollars pour survivre, contrairement aux majors. La partie la plus difficile pour un label DIY est la distribution. C’est vraiment très difficile. L’un des plus grands distributeurs aux US (Lumberjack Mordam) a récemment fermé ses portes et laissé beaucoup d’excellents labels et de travailleurs sur la touche. En endettant certains labels en centaines ou milliers de royalties impayées, et en effaçant définitivement un bon nombre de très bons labels. Ceux qui ont survécu à la chute ont une route difficile devant eux. Nous sommes toujours en train de nous remettre financièrement de s’être fait éjecter aussi durement par ce distributeur.

- Quelle est ton arme secrète afin de subsister en tant que label DIY ?

Rester honnête et décent. Aussi simple que ça y paraît, rester honnête et intègre et simplement faire les choses justes, et travailler dur afin de traiter les gens avec respect, traiter les clients du mailorder avec un service personnalisé, se rappeler d’envoyer à nos clients du mailorder ainsi qu’aux employés de notre distributeur des cartes de vœux, etc. Ce sont des petites choses simples qui permettent à un label de subsister. Si un label est pourri, malhonnête, et traite les personnes comme de la merde, évidemment tout suit en fonction.

- Que signifie pour toi avoir une attitude DIY en 2010 ?

Les groupes ont besoin de labels qui ont besoin de distributeurs qui ont besoin de médias…
Encore une fois, il semble qu’il est devenu plus facile de maintenir un esprit DIY, depuis que les majors ont commencé à flancher, il y a une distinction qui se fait entre les deux et ça entraîne plus de visibilité pour les labels indépendants. Nous faisons en sorte d’être sûrs d’utiliser des ressources indépendantes en faisant presque tout. Notre PR en 2010 est indépendant, notre maison de pressage de vinyles a commuté en une petite fabrique où ce vieil homme presse des albums depuis plus de cinquante ans, répare ses propres machines et traite tous ses clients avec un service personnalisé. Notre nouveau distributeur est aussi farouchement indépendant. Être DIY ne veut pas dire que tu dois être cassé, notre nouveau distributeur distribue le label des Bouncing Souls, Redscare, Beer City et quelques-uns des plus grands labels DIY du pays, toujours en maintenant ce véritable esprit DIY sur lequel le punk rock a été fondé. La presse est une autre histoire, mais comme je l’ai mentionné plus haut, si nous pouvons prendre avantage de la presse mainstream afin de favoriser le DIY, un agenda punk rock, et ouvrir les yeux des gens sur la musique underground, alors nous allons le faire ! C’est en quelque sorte les battre à leur propre jeu. Nous allons aussi faire un grand effort et commencer à plus utiliser nos bénéfices pour des causes de charité telles que ‘Built On Respect’, qui est une excellente organisation qui assiste les réfugiés tibétains, et leur donne une formation professionnelle entre autres. Pour moi, ça c’est du DIY, aider les moins chanceux à chaque fois et partout où tu peux !

- Prévoyez-vous de vous agrandir ? J’ai lu sur votre site Internet que vous allez bientôt lancer le sous-label Sixty Nine Apple Recordings…

Plus grand ? Je ne sais pas, mais je l’espère ! Nous avons commencé avec le nouveau sous-label qui sera lancé officiellement en janvier. C’est un nouveau label qui permettra plus de liberté en faisant les choses que j’aime sincèrement, mais qui ne seraient pas à leur place sur Jailhouse Records. Le concept de Sixty Nine Apple, c’est d’avancer seulement l’audiophile, et des vinyles de très haute qualité (que malheureusement pas mal de monde dans le punk rock semble négliger ou à laquelle ne pas faire attention). Beaucoup de labels prennent simplement la route la moins chère possible afin d’avoir leurs albums pressés, ce qui est très bien si tu es un petit label possédant des fonds limités, mais les plus grands labels font la même chose afin de conserver une marge de profit. Essentiellement, j’utilise le sous-label afin d’élargir ce qui est précédemment tombé sous notre ombrelle punk. Jailhouse est un pur label punk rock, ce qui est excellent. Mais je suis aussi un grand fan de rockabilly et de rock’n roll et aussi un énorme nerd en matière de vinyles. Cela me donne l’opportunité d’élargir et de poursuivre encore plus loin la mission de Jailhouse Records. Le punk rock sera toujours la priorité du nouveau label, mais en élargissant ce que nous sortons, c’est aussi une nouvelle motivation. Tout sera pressé en nombre limité, cinq cents exemplaires, voire moins, et nous allons utiliser les meilleurs matériaux, le meilleur mastering / découpage, et bien sûr les meilleures compagnies de pressage d’albums possibles. Tout aura un minimum de cent quatre-vingts grammes pour 12’’, et nous allons travailler aussi sur le packaging. Bien entendu, les albums ne seront pas bon marché, le coût du pressage d’un véritable vinyle de haute qualité étant astronomique. Nos trois premières sorties seront pour mars, et ça sera la version vinyle de l’album ‘Shove’ de The Spears et deux nouveaux groupes sur notre roster appelés Middle Class Trash et The Nerve Scheme. Sixty Nine Apple Recordings est plus un projet parallèle. Va-t-il s’agrandir ? Je l’espère bien ! C’est passionnant, et avec la mort imminente de l’industrie du disque, cela rend le tout encore plus passionnant. Le fait de penser que nous sommes capables de faire un bout de chemin avec de la qualité dans la scène punk, qui n’a quasiment jamais existé au sein de l’underground.

- Quel est ton background musical et à quoi t’attends-tu en matière d’évolution de la scène punk rock ces prochaines années ?

J’ai grandi dans une famille très branchée musique ; mes parents écoutaient beaucoup de classique, de l’opéra, des vieux trucs, etc. Malgré tout, ça a été de bonnes bases pour cimenter ma passion de la musique. Lorsque j’étais adolescent et au début de mes vingt ans, j’ai commencé quelques groupes qui ont été des échecs complets, et j’ai réalisé que malgré le fait que j’aime jouer de la guitare, ce que j’ai fait durant environ douze ans, ce n’était pas une chose pour laquelle j’étais doué. C’est un hobby. J’ai donc pris un autre chemin afin d’être impliqué directement dans la scène musicale : le label. Concernant l’évolution du punk, je déteste me répéter, mais une fois de plus, je vois plus de visibilité et de respect pour des labels indépendants, alors que les majors continuent à merder et à perdre toute parcelle de crédibilité qu’ils ont ou ont eue. Je vois toujours les maisons de disques jouer un grand rôle dans la scène, mais je pense aussi que les contrats des groupes et labels vont devenir de plus en plus proches des artistes, par opposition au fait de ne se préoccuper que du nombre d’albums vendus. Les labels autonomes, qui font du booking, PR, du design graphique et plus, semblent être de plus en plus un modèle. Je pense définitivement que tourner va devenir une nécessité pour tout groupe DIY, et de plus en plus de leur temps sera passé sur la route. L’un dans l’autre, je me réjouis du changement. C’est le moment !

- Quels sont les groupes de ton roster ainsi que les prochaines sorties ?

En ce moment, notre prochaine sortie prévue sera The Nerve Scheme, ‘Punks Not Punk’, qui est un nouveau groupe phénoménal, avec une bonne influence rock’n roll, mêlée à du punk rock et une légère touche de pop punk. La prochaine sortie sera The Spears, ‘Shove’, sur notre nouveau label, en format vinyle. Le CD vient de sortir ! Ensuite Middle Class Trash, ‘The Side Effect’, qui est un groupe de street punk mortel du Kentucky, et une réédition remasterisée de ‘Suck And Bloat’ de Pink Lincolns. Nous avons actuellement neuf prochaines sorties, mais celles-ci seront les toutes premières et sortiront entre mars et avril. Les groupes de notre catalogue sont : Middle Clash Trash, The Spears (un projet mortel avec des membres de D.R.I., Down By Law, Hated Youth et Pink Lincolns), Moral Crux, Teenage Rehab, The Nerve Scheme, Pink Lincolns, Our Time et Down By Law. Nous avons deux nouveaux groupes au sujet desquels je ne peux malheureusement encore rien dire, tant que ce n’est pas confirmé.

Pourquoi as-tu choisi ces groupes ?
Pas mal de groupes avec qui nous dealons maintenant, et par le passé, sont des groupes avec lesquels j’ai musicalement grandi ! Comme Pink Lincolns, j’étais un de leurs fans lorsque j’étais un ado skateboarder, de même avec Moral Crux et maintenant Down By Law. C’est une belle leçon d’humilité que d’avoir l’opportunité de travailler avec des groupes dont j’étais fan durant une bonne partie de ma vie !

- Quelles sont vos conditions afin de signer un groupe ?

En premier lieu, c’est évidemment de la bonne musique, pas de choses recyclées. De l’originalité et du talent. Ensuite, c’est la capacité à pouvoir tourner, la plupart de nos groupes tournent la plupart de l’année, avec une exception pour les quelques groupes plus âgés. De nos jours, c’est impératif, si un groupe ne peut pas tourner, nous ne pouvons pas faire grand-chose avec eux. Et si un groupe ne peut pas tourner, cela montre aussi le peu de motivation qu’il a. Les groupes que nous signons ont déjà acquis un certain degré de notoriété par eux-mêmes et ont aussi participé à différentes tournées DIY, et ont déjà une base de fans existante sur laquelle nous pouvons construire quelque chose. Nous avons essayé d’aider de petits groupes totalement inconnus, simplement sur la base du mérite de leur musique, mais nous avons été poignardés dans le dos. Et bien entendu, nous regardons quel message ils veulent délivrer et nous ne tolérons aucune forme de violence, racisme, homophobie ou matériel sexiste. Dans quel cas ils essuieront un non catégorique !

- Quels conseils peux-tu donner à de jeunes groupes qui voudraient obtenir un contrat ?

Je peux leur conseiller de ne pas penser d’abord à un contrat. Prendre le temps d’apprendre le fonctionnement de l’industrie, tourner sans cesse, sortir un album par soi-même, et se bouger le cul afin de faire connaître leur nom le plus possible partout, et vendre des albums. Économiser de l’argent pour de la promotion et indépendamment pour du matériel de presse. Tourner suffisamment, tout spécialement de nos jours, les groupes ont besoin de tourner la moitié de l’année. À la longue, un label pourrait venir frapper à la porte, cela peut prendre des années mais voilà, une fois que vous amenez cent kids à un concert par vous-mêmes, les labels vont commencer à venir à vous. Soyez votre propre label. Essayez d’apprendre les ficelles de l’industrie du disque, rien n’est moins professionnel qu’un groupe qui n’est pas familier avec la terminologie de l’industrie et qui ne sait pas comment lire un contrat. Par le passé, nous avons eu des groupes qui ont signé un contrat sans le lire. C’est stupide. Les groupes doivent être conscients qu’ils sont un business et agir comme tel. De cette manière, lorsqu’un label se pointe, vous savez de quoi vous êtes en train de parler lorsque vous négociez avec lui. Si vous en savez déjà pas mal sur le business, vous saurez comment les approcher et les questionner : ‘Pourquoi nos albums ne sont pas en vente ? Où allons-nous tourner ? Etc.’

- Que penses-tu de la scène punk européenne ?

Je suis amoureux de la scène en Europe, la moitié de nos ventes sont même en Europe. Le hardcore et punk old-school semblent être prospères là-bas (du moins en comparaison avec les States). Quelques-uns de mes labels favoris sont là-bas : I Scream Records, Countdown Records, People Like You Records. Il semble que l’esprit du punk n’y a pas été perdu. J’ai écouté nombre de bons groupes venant d’Europe, et si peu de bons groupes venant des States.

- Quels sont tes groupes favoris ?

Wow, la question inévitable. Je déteste y répondre ! Cela peut sonner blasé, mais je dois dire que Pink Lincolns est probablement mon groupe préféré de tous les temps. Je les écoute depuis leurs débuts en 1987 et c’est l’une des raisons principales qui m’a poussé à les signer ! Black Flag, Agnostic Front, Minor Threat, Against All Authority étaient aussi excellents. Crass, Chumbawamba, Ramones, The Dead Boys, Swingin Utters, Johnny Cash, Elvis, voilà à peu près !

- Quelques mots supplémentaires sur l’association Built On Respect citée plus haut, montée par Heidi Minx ?

Heidi Minx rules ! Elle n’est pas riche au sens propre, mais d’une manière ou d’une autre, elle a réussi à aller en Inde et elle a fait du bénévolat afin d’aider les moins chanceux sur place, au cœur de la culture tibétaine. Elle a étudié nuit et jour afin d’apprendre leur langue et fait la plupart de tout cela avec son argent personnel ! Actuellement, elle enseigne là-bas, particulièrement l’anglais, elle donne aussi des formations professionnelles afin d’aider les gens à devenir plus indépendants. J’ai fait la connaissance d’Heidi il y a environ six ou sept mois, et j’ai été impressionné par ce qu’elle faisait, c’est dur d’imaginer quelqu’un offrir la plus grande partie de sa vie. C’est une personne fantastique, forte et passionnée. Elle et Built On Respect devraient être des modèles pour chaque personne sur la manière dont on devrait se traiter les uns les autres. Nous soutenons actuellement Built On Respect en reversant des pourcentages des ventes d’albums et lorsque c’est possible, nous faisons des donations directes, et nous leur faisons de la promo partout où nous allons. J’aimerais pouvoir donner plus, mais heureusement il y a d’autres personnes qui se sentent aussi près du projet que nous et chaque centime aide. J’encourage tout le monde qui lit ceci à checker www.builtonrespect.com et voir si c’est quelque chose que vous pourriez soutenir, et si oui, donnez ce que vous pouvez, même un euro ou un dollar ou deux fait la différence ! Built On Respect, c’est exactement ce que la scène punk devrait représenter et être. Je dois aussi ajouter qu’Heidi est très belle et a aussi de superbes tatouages !

- Ai-je oublié quelque chose dont tu as absolument envie de parler ?

Soutenez l’indépendance ! Soyez généreux et attentionnés avec toutes les personnes que vous rencontrez, vous ne savez jamais quand cela peut revenir vers vous !

www.jailhouse-records.com

Maud

Interview réalisée par e-mail en décembre 2009

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mis en ligne le : 21.06.10 par graber

INTERVIEW - Dossier Beijing Undergrund (2009)

Quoi ?!? Au pays de Mao, de la viande de chien et des Mandarins, il y a des metalleux !?! Eh oui, là-bas on mange avec des baguettes, mais la bière, pas chère de surcroît, coule à flots dans les concerts. Après avoir fait une année d’études dans une université de Pékin en 2007-2008, j’ai rapporté un tas de souvenirs de cette scène underground, comme des avis de musiciens, des CDs, des interviews… Et je me suis dit que les partager serait une bonne idée. Ma présentation inclut l’avis de Wang Xiao qui est très actif dans le metal. Je l’ai interviewé durant l’été 2009 quand je suis retourné à Pékin. En effet, il est à la tête du magazine Xmusic, du label Areadeath, et possède le magasin de CDs 666 Rock Shop au centre de Pékin. C’est donc la personne toute trouvée pour ce genre d’exercice.



La première fois que je suis arrivé en Chine, la sensation a été très bizarre. La Chine que j’avais devant les yeux n’était pas celle des médias européens. C’était le 31 août 2007, j’avais alors étudié le chinois pendant seulement deux ans. La compréhension et la communication étaient vraiment difficiles. Quelque temps après mon installation sur le campus, il fallait que je trouve un lieu où je puisse faire du piano. On me dit qu’il y a un magasin de musique qui loue des petites salles avec piano sous le MacDo tout près de l’uni (encore un, décidément !). Là, je me trouve face à un grand gaillard assez fin, cheveux longs et veste militaire. Je lui dis, avec mon chinois terrible : ‘T’écoutes quoi comme musique ?’ Et là, il ouvre sa veste et me montre son T-shirt de Dark Funeral. C’était Lu Xiaofan d’Evilthorn. Voilà donc comment je suis tombé dans la soupe.

Les lieux
La première salle de concert que j’ai fréquentée se nomme le 13 Club. C’est là que je suis allé le plus souvent, car elle était très proche de mon université. La salle en elle-même et le matériel n’étaient pas extraordinaires. Il faut, par exemple, que de temps en temps quelqu’un vienne resserrer la molette d’une cymbale pour qu’elle ne se fasse pas la malle… Point positif, ils ont de la bière pression pas chère. Une des plus grosses baffes, je l’ai prise au Star Live. C’est une grande salle moderne avec un son énorme. Par contre, le bar, c’est de la vraie daube, il n’y a pas de bière pression, et la bouteille de 33 cl est à cinq francs suisses. C’est deux fois plus grand que l’Usine de Genève et, en plus, il y a un balcon. Je n’ai malheureusement jamais vu de concert au Mao Livehouse, mais tous les échos que j’ai eus sont excellents. Behemoth y a joué l’année dernière. Et enfin, le New Get Lucky Bar, à la rue des femmes, fait une bière artisanale pas mal, le son est très bon, et il y a une scène assez grande pour un bar, mais la fosse est toute petite. La proximité du public avec le groupe permet un bon échange. Derrière, il y a des tables et chaises, comme dans un bar normal. Comme il faut aussi un contre-exemple, le voici ! J’ai vu Arch Enemy dans des conditions terribles. C’était dans la salle d’exposition de Haidian (un peu comme Palexpo). Il y avait une résonnance horrible. On ne comprenait même pas la chanteuse quand elle parlait seule. Pourquoi n’ont-ils pas joué au Star Live ? En Chine, tout change très vite, même pour les lieux underground. J’ai eu quelques surprises à mon retour en été 2009. Le 13 Club a subi un lifting et le son est vraiment meilleur qu’avant. Le Get Lucky Bar a été détruit, et j’ai aussi entendu des rumeurs qui disaient que la sono du Star Live est foutue… La liste n’est pas exhaustive, la ville est énorme, et je ne connais pas tous les clubs. Il y a aussi des festivals en plein air. Le Midi Festival en est un, mais comme c’était l’année des JO, Pékin a été transformée en Disneyland. Donc de mai à octobre 2008 environ, pas de festival, ni de sortie de CD ou de magazine de metal... Tout a été repoussé…

La presse
À Pékin on peut acheter deux magazines de metal dans n’importe quel point presse. En voici donc une brève présentation.

Wang Xiao : En 1999, avec quelques amis, nous avons créé Painkiller, et ce, une année après le magazine Xmusic à Nanjing, une ville a proximité de Shanghai. Au début, j’écrivais pour les deux, mais le plus important restait le magazine de Pékin. Puis à partir du numéro 17, ils ont eu envie que j’écrive plus et que surtout je m’occupe aussi de la nouvelle vague de metal, comme Slipknot ou Linkin Park. Ce n’est pas du tout dans mes goûts, alors j’ai commencé à écrire de moins en moins pour Painkiller. En 2003, j’ai racheté les droits de Xmusic et transféré toutes les activités à Pékin. Donc de cette façon je continue dans une veine plus underground. Ce n’est pas toujours simple, mais c’est ce que j’aime faire.

La scène
Je découvre donc la scène chinoise le jour de la fête nationale chinoise (le premier octobre pour ceux qui ne le savent pas). C’est un festival qui se déroule sur trois soirs. Cela m’a offert un panel de ce qui se fait, il y a du bon comme du mauvais. Je trouve qu’il y a quand même un certain manque d’originalité. Par exemple, l’incorporation d’instruments traditionnels est sous-exploitée. J’ai quand même pu apprécier quelques locomotives locales. Le public qui écoute ce genre de musique est moins important qu’en Europe, on croise plus ou moins les mêmes têtes d’un concert à l’autre. Il est aussi beaucoup plus rare qu’ici de croiser quelqu’un de plus de trente-cinq ou quarante ans. D’une certaine manière, on peut dire que le metal est plus underground qu’en Europe. Mais laissons Wang Xiao nous faire un rattrapage historique et citer quelques noms.

Wang Xiao : Pour la première génération, je dirais qu’il y a le premier album de Tang Dinasty, ce groupe existe toujours, mais ce n’est plus pareil. Il y a aussi Ades (Mingjie). Ensuite, Suffocated, Ritual Day, Heresy et Stale Corpse sont les représentants de la deuxième génération. À ce moment-là, il n’y avait encore que très peu de personnes qui connaissaient le back ou le death metal. Ces groupes sont intéressants parce qu’ils sont des pionniers. Ils ont fait les choses avec conviction et ténacité malgré le matériel qui n’était pas de bonne qualité et le manque de salles pour se produire. C’est eux qui ont largement ouvert la voie et servent de modèles pour les suivants. Ensuite, pour la troisième génération, je choisirais Hyonblud, du grind death de Pékin, et Screaming Savor, un groupe de black de Shanghai. Je trouve qu’ils ont leur propre style et une bonne technique. Mais bien sûr il y a tous ces groupes qui ne font que copier les groupes célèbres. Par exemple, en 1999-2000, il y avait plein de groupes qui ressemblaient à Pantera, Cannibal Corpse, Metallica ou Terror. Ensuite, il y en a eu beaucoup qui ressemblaient à Cradle Of Filth. Maintenant, c’est le tour de Children Of Bodom, Lamb Of God ou Rammstein. Mais je pense qu’ailleurs dans le monde c’est pareil, un grand nombre de groupes suit la mode du moment. Mais, malgré la jeunesse de la scène underground chinoise, la qualité est pas mal. Mais les groupes chinois doivent encore beaucoup apprendre, même s’ils sont célèbres en Chine. Il y a encore un manque de professionnalisme. Ensuite, ce qui ne favorise pas la progression de la scène, c’est qu’à l’heure actuelle les occasions sont trop peu nombreuses de pouvoir voir des groupes étrangers. Par contre, Internet a eu un effet vraiment bénéfique. Tu peux facilement, grâce à YouTube notamment, découvrir un tas de groupes ou télécharger des albums, les mp3 sont souvent disponibles avant la sortie officielle. À l’époque, trouver un CD de Metallica c’était déjà dur, alors je te laisse imaginer pour Krisiun ou Morbid Angel. L’autre point positif, c’est que les groupes chinois peuvent être visibles plus facilement.

- Est-ce dur de sortir un album ?

Wang Xiao : Maintenant, il y a une dizaine de labels. Cela peut être dur, parce qu’il faut de l’argent. Mais d’un autre côté, pas du tout : il te faut juste un ordinateur et Internet. Tu enregistres, tu graves le CD, tu imprimes la pochette et c’est fini. Facile ! C’est une façon de faire… Je trouve cela un peu trop facile, et en général cela nuit à la qualité. Je pense qu’avant de vouloir faire un album, il faut être bon sur scène.

- Le mot de la fin pour cette jeune scène encore méconnue…

Wang Xiao : Je pense que le metal chinois doit penser à grandir, à devenir meilleur. Mais pour ça il n’y a aucune solution miracle, juste le temps. Encore deux, cinq ou dix ans, et il y aura certainement des choses excellentes. Sans le temps, rien ne se passera !

J’espère que ce bref survol de la situation du metal à Pékin vous a donné envie d’en voir plus par vous-mêmes. Et surtout : vive le metal chinois !!!

www.myspace.com/xmusickchina

Barberousse

Interview réalisée en juillet 2009 à Pékin

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mis en ligne le : 20.06.10 par graber

INTERVIEW - Ulver (2009)

Du black metal rocailleux de ‘Bergtatt’ aux ambiances chaudes et colorées de ‘Shadows Of The Sun’ en passant par l’enchevêtrement trip-hop sorti des rues glaciales de ‘Perdition City’… Ulver a offert à ses fans dix-sept années de voyage incessant, de recherches musicales sans frontière. Ne manquait à ce tour d’horizon qu’une véritable tournée. En dépit de ses réticences et de ses craintes à se produire sur scène, le groupe norvégien a mis fin à l’attente. De passage à l’Ebullition, Kristoffer Rygg (chant, électronique), visiblement épuisé mais modeste et disponible comme à son habitude, s’exprime sur ce revirement.



- Il paraît que la soirée a été difficile, hier, à Genève… Que s’est-il passé ?

Soirée de merde ! Soirée noire pour l’âme ! Le show en lui-même était bizarre. Je ne sais pas pourquoi… Simple question de sensations. Il y avait ce gars dans la salle qui s’est montré très très impoli et grossier. Il a poussé le bouchon tellement loin qu’il a foutu en l’air le moral de toute notre équipe. On a tous fini à la vodka et ça a dégénéré. C’est le premier soir où une telle chose se produit. Comment cela est-il arrivé ? Je n’ai même pas d’explication. Peut-être qu’il s’agit d’une crise de la mi-tournée…

- Tu as un meilleur feeling pour le concert de ce soir ?

Oui. Je pense que ça se passera bien mieux. J’ai l’impression que jusqu’ici on s’en est pas mal tiré sur cette tournée. Mais hier, différents facteurs, dont l’attitude grossière de ce gars, nous ont poussés à laisser sortir toute notre folie. Du coup, je me suis réveillé ce matin en pleine montée d’angoisse.

- La dernière fois qu’on s’est vus, tu tournais avec Æthenor (Transit 43). Tu disais alors ne pas voir l’intérêt de donner des concerts avec Ulver…
Que s’est-il passé ?
Pas mal de trucs (rires). Je n’ai pas envie d’entrer dans les détails mais nous avons été forcés de revoir notre point de vue à ce sujet. Nous ne pouvions pas continuer à nous montrer aussi difficiles que par le passé. Le groupe n’y aurait pas survécu. Il nous a fallu accepter de relever le défi.

- ‘Shadows Of The Sun’ est l’album le plus organique d’Ulver à ce jour. On y sent le produit d’un véritable groupe. Cet élément a-t-il également servi de déclencheur ?

Oui et non. Tu sais, nous avons complètement transformé nos titres studio afin de les transposer à la scène. Je trouve qu’il est toujours plus intéressant d’amener un kit de batterie sur scène plutôt qu’un ordinateur portable qui joue des rythmes préprogrammés. Du coup, il y a pas mal de changements. Le squelette est bien le même mais pour arriver au résultat final, nous utilisons des moyens différents. Nous avons incorporé des éléments à nos titres que nous n’avions pas avant et qui les rendent encore plus cool. Il y a aussi des choses trop dures à reprendre en concert que nous laissons tomber. Il s’agit de réinterprétations et non de répliques.

- Chacun de vos disques est très différent du précédent. A-t-il été difficile de faire cohabiter des titres très variés ?

Non, pas vraiment. On a conçu notre setlist en tenant compte d’une perspective ‘dramaturgique’. Il y a certaines chansons que les gens attendaient et qui auraient forcément cartonné. Prends ‘Lost In Moments’ : les fans apprécient son beat. Mais on ne la joue pas simplement parce que c’est une pièce à part. L’idée était de créer un assemblage dynamique de ce que nous avons fait jusqu’ici. L’accent a été mis sur la mise en place d’un spectacle et non sur la volonté de jouer des titres auxquels les gens auraient accroché. On n’a fait aucun compromis. On joue pas mal de ballades et des trucs qui ne sont pas forcément faciles à digérer en concert mais cette sélection donne une description adéquate de ce que nous sommes…

- Quand on s’était rencontrés, tu avais l’air terrifié à l’idée de monter sur scène. Te sens-tu plus à l’aise aujourd’hui ?

Dire que je suis à l’aise serait une belle exagération. L’expérience me procure un certain calme. Ce n’est plus aussi effrayant que ça l’était à l’époque. Mais je hais toujours autant l’heure qui précède le concert (rires) !

- La vidéo est un élément très important de vos shows… Est-ce un moyen d’attirer l’attention du public sur quelque chose d’autre que vous ?

Peut-être, oui. Mais nous n’avons pas investi autant de temps et d’énergie uniquement pour détourner l’attention des spectateurs. Cela dit, ta remarque est juste, dans une certaine mesure. La vidéo rejoint tout à fait la manière dont nous avons toujours présenté notre musique : nos individualités n’ont pas d’importance. Nous voulons simplement peindre des images vives. Nous nous donnons pour mission de faire en sorte que l’attention ne soit pas concentrée sur des personnes mais sur l’expérience totale.

- Vos performances évoquent l’esthétique du cinéma muet, où un orchestre interprétait en direct la musique du film projeté…

Oui, tout à fait. C’est quelque chose de très présent chez nous. Nous avons eu une approche très ‘rétrospective’ dans notre choix des images à projeter. Ça n’était pas forcément délibéré d’aller rechercher dans de vieux films. Mais je trouve que ça colle bien à notre musique.

- Jusqu’ici, vous avez joué dans des festivals, dans des petites salles, des plus grandes… Quel cadre convient-il le mieux à Ulver ?

Le show de ce soir va être très intéressant car c’est une toute petite scène. Nous serons très proches du public… Sans doute plus près que nous ne l’avons jamais été. Pour être tout à fait franc, je préfère quand il existe une certaine distance. ‘Distance’ : c’est un mot-clef dans l’histoire d’Ulver (rires). Je suis mort de trouille à l’idée de tant d’intimité.

- Les grands festivals te plaisent davantage ?

Non, car tu n’as aucun contrôle sur la production. Je préfère jouer dans un amphithéâtre, par exemple. On a donné des concerts dans des salles vraiment cool sur cette tournée : la Cigale à Paris, la Volksbühne à Berlin… Lorsqu’on joue dans ce genre de théâtre, les gens sont assis et sont également loin de la scène. J’apprécie cette distance.

- À voir le public présent ce soir, il semble que vous attiriez encore pas mal de metalleux, et, parmi eux, des fans de votre période black metal…

Pas tant que ça, en fait. Je crois que les gens acceptent le fait que de l’eau ait coulé sous les ponts. Bien sûr, on entend toujours quelques mecs hurler ‘Nattens Madrigal’ (Ndr : titre extrait de la démo ‘Vargnatt’, parue en 1993). Je leur conseille simplement d’aller se faire mettre (rires). Ça ne me dérange pas outre mesure mais ces personnes doivent comprendre qu’il ne s’agit plus du même Ulver. On ne pourrait tout simplement pas jouer un titre black metal avec ce line-up. La formation d’aujourd’hui rassemble des artistes qui sont excellents pour interpréter notre matériel récent.

- Mais que tu le veuilles ou non, Ulver est toujours très lié à l’univers du metal extrême. Vous avez joué au Brutal Assault, vous vous produirez au Hellfest, cet été… Comment vis-tu cet état de fait ?

Ton expression est la bonne : je le vis. Point. Je le vis (sourire).

- Ulver a été absent des scènes pendant quinze ans. Maintenant que vous donnez à nouveau des concerts, des dizaines de bootlegs vont apparaître sur le marché. Ça te dérange ?

Oh oui ! Ça me gêne beaucoup parce que la plupart du temps, il s’agit d’images filmées par des téléphones portables. Le résultat n’a rien à voir avec ce à quoi ressemble un concert d’Ulver. Mais on a un type qui nous suit partout avec une caméra et qui filme tous nos concerts. Nous assemblerons notre propre produit le moment venu. Regarde, il est juste derrière toi. Tu apparaîtras sur notre DVD. Dis bonjour à la caméra !

- Où en est votre prochain album ?

On a déjà pas mal de titres prêts. Avant cette tournée, on a évoqué l’idée d’en interpréter quelques-uns sur scène. Mais pour l’heure, tous les arrangements ne sont pas encore fixés. Il aurait été dommage de jouer une chanson pour la retravailler encore par la suite. Mais, oui, on bosse sur de nouvelles compos. Par contre, on n’a arrêté aucune date pour la sortie de l’album.

www.myspace.com/ulver1

Dave

Interview réalisée le 16 février 2009 à Bulle

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mis en ligne le : 20.06.10 par graber

INTERVIEW - Suffocated (2009)

Tiens, j’ai encore rendez-vous devant un MacDo de Pékin. Celui-ci n’est pas loin de la station de métro d’Andingmen. Kou Zhengyu vient me chercher, puis on descend dans la cave d’un immeuble. Une partie est réservée aux groupes de musique qui louent à l’heure une des deux salles insonorisées. Pour commencer, je fais connaissance des autres membres du groupe et j’assiste à leur répétition. Un concert privé, c’est toujours sympa ! Puis, l’interview est lancée. C’est surtout Kou Zhengyu qui parlera.



- D’abord, j’aimerais que vous fassiez une petite présentation.

Kou Zhengyu : Je suis Kou Zhengyu, je suis à la guitare.
Liu Zheng : Salut, Liu Zheng, bassiste et chanteur.
Wu Peng : Moi c’est Wu Peng, je suis l’autre guitariste.
Wu Gang : Et moi, je m’appelle Wu Gang, je suis le batteur.
Kou Zhengyu : On a commencé en 1997, donc cela fait plus de douze ans maintenant. Liu Zheng et moi sommes là depuis le début. Wu Gang nous a rejoints en 2004 et Wu Peng en 2005.

- Comment avez-vous choisi votre nom ?

En fait, quand on a commencé, on ne savait pas qu’il y avait Suffocation aux États-Unis. Et puis, il faut aussi un nom qui colle à la musique. C’était le nom que tous les membres préféraient, peut-être parce qu’il correspondait au sentiment d’étouffement que nous éprouvions chacun dans notre vie personnelle à ce moment-là.

- Qui s’occupe de la composition et des textes ?

Liu Zheng s’occupe de la majeure partie des textes. Pour la musique, il est aussi assez actif, mais Wu Peng et moi-même, étant donné qu’on est aux guitares, on fait une part importante du travail. Je trouve que s’il n’y a qu’une seule personne qui compose dans un groupe, cela n’a pas vraiment de sens. C’est mieux de le faire ensemble parce qu’en fin de compte on monte ensemble sur scène. On utilise cette musique occidentale comme support pour exprimer des sujets chinois.
Liu Zheng : Au début, pour apprendre, on a tout simplement copié, et petit à petit cela te permet de progresser et de composer des choses plus personnelles.

- Il y a deux ans, vous avez sorti un album, pouvez-vous dire quelques mots là-dessus ?

Kou Zhengyu : On a commencé l’enregistrement en juin 2006. Tu vois, dix ans ont passé avant de faire notre premier album (rires) ! On a travaillé pendant environ un mois, avec l’aide de pas mal d’amis. Ensuite, on l’a envoyé en Allemagne pour le faire masteriser. Le résultat est pas mal même si cela n’a pas été facile. Peut-être que la qualité de l’enregistrement est très bonne pour la Chine dans ce genre de musique.

- Avez-vous des projets futurs ?

Le 20 juillet, nous allons enregistrer notre deuxième album. Il va y avoir huit titres. (NdR : L’interview s’est déroulée début juillet 2009 et l’album sort en mars 2010). Ensuite, on a fait plein de concerts à travers la Chine et on continue à composer des titres. On a toujours autant de plaisir à être sur scène.

- Justement, comme tu parles de concerts, où êtes-vous allés jusqu’à présent ? Et est-ce que vous êtes allés à l’étranger ?

On a fait une bonne trentaine de grandes villes chinoises, mais on n’est pas encore allés à Hong Kong ni sur l’île de Hainan. Sinon, on n’est pas encore allés à l’étranger. Il y a des occasions comme le Battle Metal du Wacken. Mais pour le moment on n’en a pas les moyens financiers.

- Comment trouvez-vous la scène underground chinoise ?

Cela fait douze ans qu’on est dedans, et je trouve qu’elle est bien. Mais, il y a un problème. Trop de nouveaux groupes se forment, et après deux ou trois ans déjà, ils font un album. Je dirais qu’il faut s’exercer un minimum de cinq ans avant de vouloir faire un CD. Il faut d’abord être bon sur scène. Il peut aussi y avoir des problèmes de line-up ou de style, donc il faut que cela se stabilise. Si on prend notre groupe comme exemple, cela donne qu’au début les occasions de faire des concerts n’étaient vraiment pas très nombreuses. Il y avait aussi très peu de salles, maintenant c’est mieux. En fait, il y a beaucoup de bons groupes, mais cela n’est pas encore suffisant.

- Pour finir, dites-moi quelque chose qui vous tient à cœur, un sujet que je n’ai pas pensé à aborder…

Un truc intéressant, alors… Mmmh… Ah oui ! En 2006, on a joué au Midi Festival à Pékin, il y avait beaucoup de monde ce soir-là. C’était pour nos dix ans d’existence. L’atmosphère était spéciale, et le public absolument super, même ceux qui ne nous connaissaient pas vraiment étaient dans le coup. On a tous gardé un excellent souvenir de cette date. Sinon, quand Testament et Destruction sont passés à Pékin, on a fait leur première partie. Peut-être qu’en septembre on va faire la même chose pour Exodus. On est super enthousiastes, parce que ce genre d’occasion n’arrive pas souvent.

- Cela vous a permis d’échanger et de faire des contacts ?

Cela reste dur parce que notre anglais est vraiment mauvais.
Liu Zheng : On va aussi participer à un spectacle organisé par le théâtre d’art du peuple. C’est une pièce de Shashibiya (NdR : Transcription phonétique d’un nom).

- Hein ?

Wu Peng : Saxbier. (NdR : Il a un accent terrible !)

- Quoi, sex beer !?! (Ils sont tous morts de rire…)

Liu Zheng : Il a écrit une pièce qui se nomme ‘Hamlet’.

- Ah, ok, Shakespeare !

Il y aura quelques copies de l’album disponibles fin mars à la Citadelle, à Genève

www.myspace.cn/suffocated

Barberousse

Interview réalisée le 12 juillet 2009 à Pékin

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mis en ligne le : 20.06.10 par graber

INTERVIEW - Miserere Luminis (2010)

Les univers de deux groupes à la vision hors-norme s’entrechoquent, façonnant un monde sans égal. Du mariage des géniaux Gris et Sombres Forêts, naît Miserere Luminis, dans un chaos sombre et douloureux de metal extrême et de postrock. Avec leur première œuvre éponyme, les Québécois signent l’une des meilleures surprises de la sphère black metal, cuvée 2009. Visite guidée en compagnie d’Annatar.



- Plus qu’un projet studio, Miserere Luminis a été conçu comme un spectacle à part entière. Pour ceux qui, de ce côté de l’Atlantique, n’auront pas l’occasion de vous voir sur scène : à quoi ressemble un live de Miserere Luminis ?

Cinq musiciens masqués, en tenues de clochards. Nous voulions évidemment donner aux spectacles de Miserere Luminis une touche visuelle unique. Voir un concert, c’est bien plus qu’écouter un album : on doit lier en quelque sorte la musique à l’image. Pour les concerts de Sombres Forêts, nous portions aussi des masques. Nous avons décidé de pousser cette idée encore plus loin en arborant des habits de gueux et des instruments délabrés, usés, mais des masques en or. Nous trouvions ce contraste intéressant. Pour l'instant, nous n'avons donné que quelques concerts à travers le Québec pour le lancement de l'album, où nous l'avons joué dans son intégralité. Mais d'autres viendront.

- Dans la mesure, où comme vous l’avez déclaré sur le web, Miserere Luminis prend tout son sens en concert, pourquoi ne pas avoir opté pour un enregistrement live, voire un DVD, au lieu du format très convenu de l’album studio ?

En effet, l’idée d’un album live aurait été bonne. Pour être honnête, avoir un enregistrement studio a toujours été un aspect important pour ce projet ; autant que le côté spectacle. Le son général a en partie été créé en enregistrant. Dans un certain sens, cela a été une étape de création. Pour ce qui est d'un DVD, l’idée n’est pas close.

- Sombres Forêts et Gris n’en sont pas à leur première collaboration puisque Neptune, de Gris, a déjà écrit des textes et réalisé des photos pour ton groupe. Qu’est-ce qui vous a poussés à aller plus loin dans ce travail ?

L'idée est venue il y a quelque temps mais on ne pensait alors qu’à un split conventionnel : une partie Sombres Forêts, une partie Gris (alors baptisé Niflheim). Quand est venue la réalisation de celui-ci, l'idée s'est transformée, par souci d'originalité mais surtout d'intérêt. Faire un split banal ne nous plaisait tout simplement pas et nous semblait inutile. Élaborer un album conjointement était le nouveau projet dans lequel nous voulions aller puiser les teintes différentes de nos groupes. Pour ce qui est de l’apport de Neptune dans Sombres Forêts, ça a plutôt été une aide qu’une collaboration prévue. J’étais pris par les délais et il m’a aidé à terminer l'album.

- Gris et Sombres Forêts ont tous deux une identité forte avec une approche très personnelle du black metal. A-t-il été simple de combiner vos visions respectives sur un même album ?

Icare, Neptune et moi jouions de la musique ensemble avant même la création de Sombres Forêts et Gris. Nos groupes ont existé conjointement depuis leur création. Il a été facile de collaborer ensemble puisqu’à la base les fondements de Miserere Luminis ont été construits ensemble. Aucun compromis n’a été fait sur l'album. Si nous ne nous entendions pas, nous trouvions quelque chose de mieux, tout simplement. Miserere Luminis est d’une essence différente de ce que nous créons habituellement, mais qui nous touche malgré tout... Des couleurs qui se retrouvent en nous, mais qui n'avaient que peu été exploitées.

- Comment s’est déroulée l’écriture des titres ? L’apport de Sombres Forêts et celui de Gris sont-ils équivalents ?

Cela a été un processus très différent de celui que nous connaissons avec nos groupes, une tout autre dynamique. Surtout dans la manière de faire les choses. Les chansons ont été composées en répétition, ce qui était nouveau pour nous. De plus, chaque pièce a été enregistrée en quelques versions, en les travaillant à chaque fois. La plupart des arrangements ont été faits ainsi. Sinon l’apport de Gris et Sombres Forêts sont pratiquement égaux. Nous voulions faire un album qui allait suivre cette balance, et d’une pièce à l’autre exploiter les styles de chacun.

- En quoi l’approche de la composition diffère-t-elle dans Miserere Luminis, par rapport à vos groupes respectifs ?

L'aspect de ‘groupe’ et de spontanéité. Pour Sombres Forêts, tout se déroule dans ma tête, ce qui rend la tâche beaucoup plus introspective, plus solitaire. Dans Miserere Luminis, nous sommes partis d’idées lancées par chacun. De plus, à travers nos groupes, la musique est composée autour du squelette que constituent les textes... Cette fois, en revanche, la musique servait de base et nous y collions des paroles composées indépendamment. Il y a un aspect plus expérimental, plus ‘progressif’, par rapport à ce que nous avons fait avant.

- Le vide, les visions apocalyptiques, la destruction sont au centre des textes de Miserere Luminis. Vous y puisez malgré tout la beauté… Peux-tu en dire davantage sur cette dualité ?

Elle est au cœur de l’œuvre de Miserere Luminis. Elle est essentielle car c’est la nuit que nous voyons les étoiles ; le jour, la lumière nous aveugle. Miserere Luminis, autant que nos groupes respectifs, est teinté de ces contrastes... Nous ne créons pas la noirceur pour la noirceur. Notre musique tend indéniablement vers la lumière, malgré le vaisseau obscur.

- De nombreux passages de l’album sonnent très postrock. On y trouve des touches évoquant Godspeed You Black Emperor ou Explosions In The Sky. Est-ce effectivement une musique qui vous parle ?

Oui, mais pas parce qu’on classe ces combos dans le postrock ou quelque autre genre. Godspeed You Black Emperor est un groupe d’une tristesse très pesante, très mélancolique. Nous les rejoignons probablement à ce niveau.

- Une nouvelle génération de projets black metal – Caïna, Alcest, Fen, Agalloch… – teinte cette musique de postrock. Quel lien vois-tu entre ces deux genres ?

Une certaine froideur et aussi une certaine recherche d’un ‘au-delà’. Le postrock est une musique plus ‘moderne’, plus métallique et plus stérile. Elle ajoute un autre caractère au black metal, une touche plus expérimentale à l'ensemble…

- Pour beaucoup d’Européens, la scène black metal québécoise reste très lointaine. Il semble pourtant qu’elle soit en pleine explosion…

Beaucoup de groupes de black metal émergent depuis quelques années au Québec et je dirais que la scène est relativement active. Peu font des concerts en revanche, et Internet reste le point de ralliement. Je dois par contre admettre que ce qu’on peut qualifier de black metal québécois a un son typique et il existe un certain soutien entre les artistes, particulièrement dans les régions loin des grandes villes. Sinon l'approche musicale ici est en général plutôt conservatrice, la majorité des groupes ne clament pas l'innovation ; ils veulent seulement faire du black sombre et efficace !

- Quel impact cette collaboration aura-t-elle sur vos formations respectives ? Changera-t-elle votre manière de travailler au sein de Gris et Sombres Forêts ?

Est-ce qu’elle aura un impact ? Je ne le sais trop... Nous avons travaillé, avec Miserere Luminis, de façon plus professionnelle qu’auparavant et je crois que nous nous dirigeons dans cette direction. Mais est-ce vraiment grâce à Miserere Luminis ou était-ce seulement l'étape suivante ? Il y a aussi eu pas mal d'expérimentations autour de cet album et nous allons certainement reprendre des idées.

- À ce propos, où en sont les prochains albums des deux groupes ?

Gris autant que Sombres Forêts sont en pleine création de leur troisième album ; les deux groupes vont y retrouver leur âme respective... Je ne m’avancerai pas sur l'album de Gris, mais pour ce qui est du prochain opus de Sombres Forêts, il s'annonce d’une couleur différente des deux premiers. Je le construis comme un autre chapitre. De nouveaux concerts seront probablement présentés avec la sortie du disque.

www.myspace.com/miserereluminis

Dave

Interview réalisée par e-mail en janvier 2010

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mis en ligne le : 20.06.10 par graber

INTERVIEW - Lila Cruz (2010)

Un groupe pop dans les colonnes de Transit ?!? Le chevelu moyen aura tôt fait de crier au scandale. ‘Carrousel’, premier album du trio chablaisien, est pourtant armé pour séduire un large public, grâce à une musique mélancolique et envoûtante. Rencontre avec Filipa, chanteuse et tête pensante de cette jeune formation.



- Les musiciens de Lila Cruz ont tous un solide bagage musical. Peux-tu nous présenter vos parcours respectifs ?

J’ai une formation classique ; j’ai fait le conservatoire. Jean, notre bassiste, était guitariste à la base. Il a un parcours similaire à celui de Marcello Giuliani, qui a produit le dernier Sophie Hunger. Sauf que Marcello est allé un peu plus loin, alors que Jean n’a peut-être pas fait les bonnes rencontres à un moment ou un autre. Sans ça, je pense qu’il pourrait ne vivre que de la musique. Notre batteuse, Nathalie, a fait partie du même groupe que notre bassiste, Rock En Stock. Ils ont également été membres de Stegal, qui avait fait pas mal de bruit à l’époque. Ils ont tous les deux une longue expérience dans la musique.

- Le piano est au cœur de vos chansons. Est-ce que vous composez uniquement à partir de cet instrument ?

Je crois que mes collègues composent en cachette. Enfin, pas Nathalie, vu qu’elle serait incapable de faire la différence entre un do et un mi ! Mais, vu que je suis l’initiatrice du projet, c’est moi qui ai amené les compos, en leur demandant s’ils étaient d’accord de les travailler avec moi. Encore aujourd’hui, je compose au piano, j’écris les textes… Et, une fois que j’ai la trame d’un titre, je le soumets aux autres.

- Les noms de Tori Amos et Kate Bush reviennent souvent dans la description de ta musique. Ce sont des influences ?

J’ai grandi avec Tori Amos ; elle a bercé mon adolescence. Pour moi, c’est un repère dans le temps. Par contre, je ne connaissais pas vraiment Kate Bush. Mais comme tout le monde me faisait cette remarque, j’ai écouté. Effectivement, je peux comprendre la comparaison. En plus, il semblerait que Tori Amos ait été très influencée par elle, à ses débuts. Kate Bush est donc une source d’inspiration indirecte (rires).

- Deux ambiances très éloignées se dégagent des textes. Certains sont très légers, presque naïfs, et d’autres plus sombres…

Je n’ai pas beaucoup de demi-mesure. Soit je me lève le matin, la vie est belle, les oiseaux chantent… Soit rien ne va : tu t’encoubles trois fois en sortant du lit… On retrouve cette ambivalence dans mes textes. Si tu veux voir de belles choses, tu les verras. Par contre, si tu es déprimé, il n’y aura pas grand-chose de positif dans ta journée.

- Les paroles d’‘Ad Nauseam’ sont très noires. Qu’évoque cette chanson ?

J’étais assise dans le café où on se trouve maintenant. Et j’ai découvert cet article dans le journal. C’était l’histoire de parents en procès pour avoir torturé leur fille pendant plus de deux ans. La gamine avait deux ans et demi ! Ils l’avaient adoptée et tout ce que cette enfant a connu, c’est la souffrance. Ça m’a bouleversée. La première chose que j’ai faite en rentrant chez moi, c’est écrire ce texte. La musique est venue peu de temps après. Cette chanson, c’est un constat d’échec. Tu es au courant de ce qui s’est passé mais qu’est-ce que tu peux y faire ?

- En studio, tu as tenu à enregistrer piano et voix ensemble. C’était important pour toi de garder ce côté live ?

C’est un besoin qui s’est fait sentir lorsqu’on a décidé d’entrer en studio. On discutait avec les spectateurs à la sortie de nos concerts et ils appréciaient ce côté ‘j’entre dans l’instant présent et je me laisse emporter’. J’avais envie que les gens retrouvent ça dans l’album. Même s’il y a des imperfections, on n’a pas repris vingt fois le même passage. Ça représente l’énergie du moment.

- Transit étant plutôt un mag metal, tu as vingt secondes pour convaincre nos brutes de lecteurs d’écouter Lila Cruz.

(rires) Les gars, écoutez ce disque ! Tous mes potes metalleux me disent que chaque titre ressemble à une intro metal. Rien que pour ça, ça vaut la peine d’y jeter une oreille. Et s’il y a des amateurs qui veulent reprendre nos chansons, allez-y ! Je suis curieuse d’entendre le résultat.

www.lilacruz.com

Dave

Interview réalisée à Aigle, le 26 janvier 20010

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mis en ligne le : 11.06.10 par graber

INTERVIEW - L’Esprit Du Clan (2010)

Plus sombre et agressif que son prédécesseur, le quatrième chapitre des Parisiens est un album mûr et travaillé. ‘L’Enfer C’Est Le Nôtre’ prouve une fois de plus que la scène française possède de plus en plus de valeurs sûres et que L’Esprit Du Clan sort largement du lot. Actuellement en pleine tournée à travers l’Europe, l’un des deux chanteurs de la formation, Arsene, a pris le temps de répondre à nos questions.



- L’Esprit Du Clan est de retour avec une formule plus death metalcore pourquoi cette évolution ?

Nous ne fonctionnons pas en termes de style musical. Ce qui nous importe est de créer une musique et des textes qui nous plaisent au moment où nous composons. Après, il est certain qu'on n’est pas resté bloqué sur les premiers Pantera ou Metallica et qu'on écoute ce qui se fait aujourd'hui. Je pense qu'il y avait du bon il y a vingt ans mais les groupes d'aujourd'hui sont aussi hyper intéressants. Et c'est vrai qu'on a tendance à écouter pas mal de death metal en ce moment... Au final, il y a des bonnes choses dans tous les mouvements.

- Est-ce un phénomène de mode ?

Je ne me pose pas ce genre de questions et je n'ai donc pas de réponse. C'est l'émotion qui se dégage qui m'importe. Pour le reste...

- Quel était l’effet recherché avec ce quatrième album ?

Nous voulions qu’il soit plus sombre que le précédent. Au niveau du son, nous avions la volonté de mettre le chant un peu moins en avant et de rendre le tout un peu plus 'international'. Sans renier le chant en français évidemment, nous voulions que le public qui ne parle pas notre langue puisse écouter l'album sans être refroidi par le chant. Au final, il s'avère que nous jouons beaucoup à l'étranger sur cette tournée, donc notre choix était le bon !

- Et pourquoi ce nom, ‘L’Enfer C’Est Le Nôtre’ ?

Cet album est une introspection, une remise en question. Nous avons toujours été dans la revendication, mais cette fois nous combattons nos propres erreurs, nos propres démons. Critiquer, c'est vital, mais se remettre en cause aussi. On peut aussi voir le titre en négatif et ça peut vouloir dire que si l'enfer c'est le nôtre, le paradis aussi. Nous sommes responsables de nos actes et on peut choisir de se plaindre tout le temps ou se dire qu'on n'a qu'une seule vie et qu'on doit en profiter, il faut juste choisir la façon dont on veut voir le monde. L'autre n'est pas forcément le seul ennemi.

- Tu penses que le monde est devenu un enfer ?

Je pense que ça l'a toujours été. Mais encore une fois, tout dépend de notre angle de vue... l’histoire a connu des périodes bien plus sombres, à mon avis.

- Un titre porte le nom de ‘Nouvelle Drogue’, quelle est donc cette drogue à laquelle vous faites allusion ?

C'est une drogue qui s’injecte directement dans les oreilles et le trou de balle. Personnellement, quand je découvre un album qui me plaît, je suis capable de le bouffer durant des semaines entières, jusqu'à écœurement. C'est une sorte de drogue quelque part. Je me plais à penser que nous faisons parfois cet effet là à certain(e)s.

- Vous avez toujours eu le secret des refrains ravageurs, comment faites-vous ?

C'est la même chose : j'aime l'effet que me procurent une mélodie et un refrain que je retiens. Je ne suis pas fan des trucs élitistes et des musiques mathématiques, je respecte, mais ce n'est pas mon délire. Quand je suis sur scène et que les gens chantent avec nous, je suis ravi. J’aime ce sentiment de partage. On n’est ni là pour insulter les gens ni pour leur faire une démonstration, l'idée est de suer et gueuler ensemble. Alors, rien de mieux que des refrains efficaces pour ça !

- Le chant en français fait partie de votre identité, mais t’arrive-t-il de penser que cette formule vous freine pour sortir du pays ?

Je ne pense pas, car le fait est que nous jouons autant en France qu'à l'étranger. Nous parlons un anglais scolaire, alors c'est bien pour papoter, mais de là à chanter dans cette langue pour espérer jouer un peu plus à l'étranger, ce serait se foutre de la gueule du monde. Il y a déjà assez de groupes français qui le font... On a joué dans la partie anglophone du Canada et en Angleterre, je peux t'affirmer que l’énergie est communicative malgré le chant en français. Après tout, je ne comprends pas toujours les groupes que j'écoute et ça ne m'empêche pas de kifer, ça peut même développer l'imagination... Les anglophones, les Espagnols, les Allemands nous ont même incités à persévérer car c'est pour eux un signe d'indépendance qui rafraîchit un peu.

- Vous vous êtes formés en 1992, comment avez-vous tenu si longtemps ?

C'est l'envie et le besoin de jouer, de créer, de tourner qui nous lient. Les rencontres et les voyages aussi. C'est sûrement un cliché, mais le mot qui résume le tout est la passion...

- Quand vous avez commencé, il n’y avait pas beaucoup de groupes metal à deux chanteurs. D’où vous est venue l’idée ?

C'est arrivé assez naturellement. Au début, je jouais de la gratte et je chantais aussi et Shiro était le lead singer. Et puis Ben est arrivé et, du coup, j'ai récupéré un micro et on s'y est mis à deux. Depuis, la formule est restée la même. Mais bon, tout ça reste très vague, c'est de la préhistoire cette époque...

- Les projets pour le futur ? Un cinquième chapitre ?

La fin de la tournée qui passe, entre autres, par la Suède, l'Espagne, un retour au Canada et ensuite la composition du prochain album. Cette fois, nous nous enfermerons dans une pièce à la campagne et allons composer ensemble et en live de A à Z. Ce projet nous tient particulièrement à cœur car nous allons reprendre une méthode que nous utilisions à nos débuts. On s'orientera sûrement vers un style plus live, brutal et groovy.

- Je trouve que la scène française a beaucoup évolué ces dernières années. Quelle est ta vision ?

Effectivement, il y a de plus en plus de groupes, ce qui implique qu'il y a plus de bons groupes. Mais l'inverse est vrai aussi, Internet fait qu'il est facile de faire partager sa musique, mais il y a parfois des groupes qui ne méritent pas d'exister. J'ai l'impression que tout le monde a un projet en ce moment, pour le meilleur et pour le pire, mais ça rend le jeu plus excitant... C'est une saine émulation.

www.espritduclan.com

Randy

Interview réalisée par e-mail en janvier 2010

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mis en ligne le : 11.06.10 par graber

INTERVIEW - ETHS Vs Kells (2009)

C’est juste avant leur prestation au Helle’s On Stage au CCO de Villeurbanne que les quatre de Kells, accompagnés de leurs amis Candice et Morgan de ETHS, nous ont fait l’honneur et l’avantage de répondre à nos questions.



- Virginie, comment s’est faite votre rencontre avec Candice et qu’est-ce qui vous a rapprochées au point de devenir amies ?

Virginie : Nous nous sommes rencontrés en 2005, à l’Iguanorock Festival le 14 octobre. On partageait la même loge. ETHS était headliner et nous on passait juste avant. Ensuite, on a gardé contact par e-mails et donné des nouvelles de temps en temps. Si bien que quand on a composé ‘La Sphère’, on s’est dit ‘Putain, la voix de Candice irait bien là-dessus ! Et si on lui proposait ?’.

- Bien que vos musiques soient assez différentes, au moins au niveau des textes dont vous êtes chacune auteurs, vous avez collaboré à ‘La Sphère’ : comment cette chanson est-elle née ?

On l’a composée en 2007 et jouée en live, mais on avait laissé des parties vides en se disant que ça irait trop bien avec Candice. Après lui avoir proposé, elle a dit : ‘Pourquoi pas ? Il faut que j’écoute, il ne devrait pas y avoir de problème’. Elle a écouté et elle a dit oui. J’avais écrit mes paroles, je lui ai donc envoyé la maquette avec mon chant et le texte et on l’a laissée totalement libre pour qu’elle termine sa partie. Elle a alors écrit ses textes.
Candice : Je travaille souvent par affinités, il faut que j’aime les gens, au-delà de leur musique. Bien sûr, mon choix comporte une part artistique, je ne veux pas faire des choses qui ne me plaisent pas et je veux pouvoir apporter quelque chose d’intéressant. Mais j’ai beaucoup de demandes, et je ne peux pas dire oui à toutes, alors si je ne les connais pas avec le cœur, c’est non !
Jano : De notre côté, pour cette composition particulièrement, on a essayé de faire en sorte que cela envoie un peu plus que dans nos autres morceaux. Et avec la participation de Candice, ça arrache !

- Plus généralement, partagez-vous un même univers d’idées ?

Patrick : Dans l’ensemble, nos deux univers se rejoignent dans leur aspect sombre, notamment dans les textes qui bien que poétiques des deux côtés prennent une teinte nettement plus dark chez ETHS ! Il y a un attachement, une envie commune d’écrire, de dire de la poésie. Pour la partie musicale, ce sont des mesures composées qui donnent un rendu un peu bizarre, inhabituel.

- Candice, comment vis-tu l’écriture de tes textes, qui sont loin d’être anodins ? Est-ce un exercice éprouvant ou au contraire salvateur comme une sorte d’exorcisme, voire de thérapie ?

Candice : Moins maintenant, comme c’était le cas par le passé. Ce qui me motive, c’est plus de trouver la phrase, les bons mots qui interpellent, le plaisir d’écrire sur un thème. On cite souvent Baudelaire, Lautréamont et même Victor Hugo, quand on dit que j’écris des textes dans le registre dark ; et souvent je dois être sombre, alors qu’à la base je ne le suis vraiment pas ! L’idée est de jouer avec les mots pour en faire quelque chose d’esthétique.

- Est-ce que la dualité de la belle et la bête (voix claire et gutturale) réunies en toi comme un hybride du Petit Chaperon rouge et du grand méchant Loup, associée à une musique qui vient ponctuer les paroles suffit à l’originalité et au succès d’ETHS ?

Il est difficile pour nous de juger de ce qui fait ou pas notre succès…
Jano : Moi, je peux te le dire en fait : je les ai découverts il y a déjà longtemps et ce qui m’a scotché au départ c’est le fait que ce soit une fille qui chante comme ça ! Je n’avais jamais entendu ça de ma vie. Et puis les mesures composées, ce n’est pas gnangnan comme habituellement dans le metal avec des filles où c’est parfois un peu facile avec une suite d’accords à la con… Et là, une telle énergie avec une voix comme ça, ça m’avait troué le cul !

- Est-ce que cette voix est venue naturellement ou est-ce le fruit d’un certain travail ?

Candice : Pour la voix claire, oui beaucoup de travail. En effet, attraper une note avec un groupe de metal qui pousse derrière n’est pas si simple. J’ai débuté spontanément avec ma voix gutturale : c’était surprenant à l’époque, il y a dix ans. C’est assez physique et il faut vraiment avoir envie de le faire. J’étais la première en France et ça faisait un peu extraterrestre. Tant pis si on risquait de se faire jeter des pierres, on a continué tout en apprenant à utiliser ma voix claire.

- Kells, nous nous sommes vus en mars au début de la tournée : comment se passe-t-elle ? Quelles rencontres avez-vous pu faire ?

Jano : Environ vingt-cinq concerts au compteur, et cela se passe super bien. Bien mieux rôdés que la précédente tournée en 2007, on se connaît mieux, on a trouvé nos marques. En plus, on a trouvé un chauffeur pour le camion et du coup ça va vraiment mieux. On arrive sur les dates avec nos habitudes, en général le soundcheck se passe bien, ça file droit. On progresse à toute allure musicalement et dans notre organisation. Aujourd’hui, on connaît les limites de chacun, alors on en tient compte et on y prête attention. Et avec le public, il y a un échange plus important, on se connaît mieux et on partage plus avec les gens qui nous suivent, notre jeu est plus naturel. Le nouvel album nous ouvre les portes de nombreux festivals. Le succès semble arriver progressivement, mais le chemin est encore long : on arrive encore à faire nos courses tranquilles !

- Quels sont les projets de chaque groupe, après vos tournées respectives ?

Patrick : Notre tournée en France s’achèvera en décembre. Pour 2010, on a déjà signé pour repartir sur les routes d’Europe avec au moins l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse et la Belgique. Notre deuxième clip ‘Avant Que Tu’ sera alors sorti, et on prévoit déjà l’enregistrement d’un nouvel album pour la fin de l’année.
Morgan : ETHS est en cours de composition d’un nouvel album, qui avance selon nos inspirations.

- À quand Virginie dans une composition d’ETHS ?
Virginie : J’en serai super honorée, mais…
Candice : Pourquoi pas ? Mais il faut déjà que l’on compose les morceaux !
Jano : On pourrait faire un morceau à trois guitares, deux basses, deux batteries …

www.myspace.com/kellsgaia
www.eths.net

Pascal&Co

Interview réalisée le 5 septembre 2009 à Villeurbanne

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mis en ligne le : 11.06.10 par graber

INTERVIEW - Finntroll (2010)

Des climats orientaux, des instruments inédits, des percussions de pays lointains et oubliés, des histoires de trolls revenus d’entre les morts et de loups-garous : avec ‘Nifelvind’, Finntroll montre qu’il n’est pas du genre à se fixer des barrières… Et livre la preuve irréfutable que même sur les rivages surpeuplés et sclérosés du metal à biniou, il est encore possible d’innover.



- Buzuki, banjo, mandoline, un tambour traditionnel iranien… Les instruments inattendus ne manquent pas sur votre nouvel album. Qui a eu l’idée de les utiliser ?

Le banjo fait partie intégrante de notre son depuis quelque temps déjà. Mais ‘Ur Jordens Djup’, notre précédent album, était le premier sur lequel nous avions enregistré avec un vrai banjo. Pour ce qui est du daf, cet instrument iranien, nous voulions une chanson qui soit plus percussive. Nous nous sommes aperçus que l’un de nos amis savait en jouer. Nous lui avons demandé de nous rejoindre et d’enregistrer quelque chose. Les autres instruments, la mandoline, le buzuki, la guitare bulgare tiennent plus du hasard. Les Sonic Pump Studios, où nous avons enregistré ‘Nifelvind’, sont composés de nombreux studios différents. L’un d’eux contenait pas mal d’instruments du genre. Quand les responsables nous ont vus amener nos accordéons et nos banjos, ils nous ont dit : ‘Hé, vous utilisez ce genre d’instruments ? Venez voir ce qu’on a ici !’ On a pu les essayer et en ajouter encore et encore sur le nouvel album…

- De nombreux groupes apparus ces dernières années utilisent des instruments traditionnels : accordéon, flûte, cornemuse… Expérimenter avec des sons moins convenus était-il un moyen pour vous de montrer que Finntroll a toujours une grosse longueur d’avance ?

Non, du tout. On n’est pas en compétition avec les autres groupes. Ça semblait simplement être la bonne chose à faire pour l’album. C’était plus ‘juste’ d’enregistrer avec de vrais instruments puisque nous en avions la possibilité…

- Allez-vous amener certains de ces instruments sur scène ou utiliserez-vous des samples ?

Nous les mettrons sur synthé. Si on voulait tout jouer, il nous faudrait avoir une cinquantaine de musiciens sur scène. Rien que le transport des instruments nous coûterait les yeux de la tête. Mais nous n’aurons pas non plus recours à des bandes préenregistrées. Ces parties seront véritablement jouées sur scène. Nous avons de la chance : Virta est un excellent claviériste et il sera capable d’incorporer ces instruments dans notre musique, en concert.

- Y a-t-il un instrument que vous n’avez jamais utilisé et que vous rêveriez d’avoir sur un de vos albums, à l’avenir ?

Je ne sais pas. On en a utilisé tellement sur ‘Nifelvind’… On n’aurait jamais cru pouvoir en inclure autant. On a eu de la chance de rencontrer ces gars avec tous leurs instruments. Il faudra attendre le prochain album pour voir si on a d’autres idées dingues…

- ‘Nifelvind’ est extrêmement varié. Avec le recul, crois-tu qu’‘Ur Jordens Djup’ ne l’était pas assez ?

Non, ‘Ur Jordens Djup’ était le bon album à sortir à ce moment-là. On n’aime pas planifier, se dire qu’on doit faire un album qui sonne de telle ou manière. On rassemble simplement nos idées, on compose et on réalise que cette chanson-ci colle mieux aux autres que celle-là. C’est ainsi que la direction générale de l’album se dégage. On ne fait pas quelque chose de différent juste pour faire quelque chose de différent.

- Hors interview, tu me confiais que ‘Under Bergets Rot’, avec lequel vous avez lancé la promo de ‘Nifelvind’, n’est pas un très bon exemple de cet album… Pourquoi l’avoir choisi ?

Cette chanson est efficace, elle contient de bonnes mélodies… Mais il y a tellement plus sur cet album. Bien sûr, nous devions choisir un titre. ‘Solsaga’ est, pour moi, le meilleur de l’album. Il a tout ce que Finntroll représente. Cette chanson résume à merveille ‘Nifelvind’. Mais nous ne pouvions pas la diffuser tout de suite puisqu’il fallait attendre la sortie du clip qui l’illustre. On a donc choisi un autre titre…

- Tu parles du clip de ‘Solsaga’… Le tournage semble avoir été très… exigeant. C’était marrant de jouer les morts, de ramper comme ça dans la boue ?

(rires) Marrant ? Je ne dirais pas qu’on s’est marrés ! Regarde le making of du clip (Ndr : disponible sur la page MySpace du groupe). On me voit me tordre, gigoter tout le temps. Toute la merde qu’on nous a mise sur le dos m’a irrité la peau mais je ne pouvais pas me gratter car ça aurait foutu en l’air tout le maquillage. C’était… une expérience de porter cette merde pendant dix heures. Mais le résultat final est très bon !

- Si l’album ne marche pas, tu ne pourras même pas te reconvertir dans les films de zombies…

Non, probablement pas. Si je pouvais jouer un zombie vêtu d’une robe de moine, ça pourrait encore aller !

- Votre ancien chanteur, Katla, s’est-il à nouveau chargé d’écrire toutes les paroles ?

Oui… Il ne s’agit pas d’un album concept, cette fois. Mais les textes tournent tous autour de ces mythes, des légendes urbaines que tu retrouves aux quatre coins du monde. Chaque pays, chaque région, a ses propres contes mais tous décrivent les mêmes choses. On les retrouve à toutes les époques, sous une forme différente mais toujours avec le même motif en trame de fond. Des histoires de loups-garous, des gens qui vendent leur âme… On parle beaucoup de mort sur cet album. Toutes ces légendes, dont certaines ont plus de mille ans, reviennent à la vie mais dans une forme plus moderne.

- Comment expliques-tu le fait que ces histoires se retrouvent d’une culture à l’autre ? Qu’ont-elles de si fascinant ?

Ces mythes sont une manière d’expliquer tout ce qui fait notre vie. Un enfant disparaissait, on l’expliquait en mettant la faute sur un loup-garou. Aujourd’hui, on accuse les malades mentaux…

- Ça ne t’intéresse pas d’amener également tes propres textes à Finntroll ?

Bien sûr. Mais le groupe, et moi le premier, estimons que Katla est bien meilleur que moi en la matière. Alors pourquoi changer ?

- Ça n’est pas frustrant pour toi ?

Non, au contraire. C’est même plutôt un soulagement. Et Katla est quelqu’un avec qui il est très facile de bosser. Lorsqu’il s’agit de poser les lignes de chant, on a le ‘quoi’, le ‘quand’ et le ‘comment’. Katla est le ‘quoi’ : ce que je devrais chanter. Trollhorn me dit ‘quand’ je dois chanter et je décide de ‘comment’ je vais interpréter ces parties. C’est un triptyque qui fonctionne bien.

- T’arrive-t-il de modifier les textes de Katla ?

Oui, je n’ai parfois pas le choix : je change un mot par-ci ou par-là pour que les paroles collent rythmiquement avec les riffs. Je n’aime pas trop modifier ses textes. Je le fais le moins possible. Je remplace un mot par un synonyme, je modifie l’ordre d’une phrase… Ça s’arrête là.

- Tous vos textes sont écrits en suédois… Avez-vous déjà pensé écrire des paroles en finnois ?

Non, jamais. Je pense que le recours au suédois fait partie du charme de Finntroll et nous n’abandonnerons jamais cette langue. Au milieu des années 1990, il y avait ces groupes de black norvégiens qui ne chantaient que dans leur langue. À mesure qu’ils sont devenus plus connus, ils se sont mis à n’utiliser plus que l’anglais. Je me souviens qu’à l’époque, j’ai été très frustré par ça.

- La tournée commencera en Israël où vous jouerez pour la première fois… Les trolls sont-ils aussi à l’aise sous le soleil du Moyen-Orient que dans une forêt du Nord ?

(rires) Je ne peux même pas imaginer à quoi ressemblera cette date ! Ce concert s’annonce très bizarre et spécial. Je pense qu’on en parlera encore pendant de nombreuses années. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se produire dans ce pays.

- Cette tournée est estampillée Pagan Fest. Chaque année, on retrouve trois à quatre festivals itinérants qui portent ce nom… Ça n’est pas contre-productif ?

Oui, j’ai vraiment ce sentiment depuis deux ans. Je fréquente aussi les forums sur Internet et les gens commencent à en avoir marre de voir sans cesse les mêmes groupes revenir dans un ordre différent. Je ne crois pas que cela va durer encore longtemps. Pour l’heure, c’est un atout pour Finntroll d’être assimilé à cette scène pagan, de pouvoir participer à ces tournées. D’autant que nous sommes amis avec la plupart de ces groupes. Mais je pense que les gens se lassent de cette scène folk ou pagan. Ce genre a véritablement explosé il y a quatre ans mais je ne sais pas combien de temps cette mode va encore tenir le coup. Le côté cool avec Finntroll, c’est que nous sommes plus qu’un groupe de folk. On peut également nous inclure dans un package metal plus traditionnel.

- Lors de notre dernier entretien, en 2008, tu annonçais la sortie d’un DVD en 2009… Alors, où est-il ?

(Hésitant) Je ne sais pas quoi te dire. Il sortira, c’est certain. Mais nous n’avons fixé aucune date, à cette heure. Nous nous sommes concentrés sur notre nouvel album, ces derniers temps et il y a quelques ‘questions’ qui doivent encore être réglées avec ce DVD (long silence). Mais il sortira…

www.finntroll.net

Dave

Entretien téléphonique réalisé le 11 janvier 2010

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mis en ligne le : 11.06.10 par graber

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