| |||||||
Accueil | Agenda | Concerts | CD | Articles | Le Mag | Forum | Photos |
|
Quoi ?!? Au pays de Mao, de la viande de chien et des Mandarins, il y a des metalleux !?! Eh oui, là-bas on mange avec des baguettes, mais la bière, pas chère de surcroît, coule à flots dans les concerts. Après avoir fait une année d’études dans une université de Pékin en 2007-2008, j’ai rapporté un tas de souvenirs de cette scène underground, comme des avis de musiciens, des CDs, des interviews… Et je me suis dit que les partager serait une bonne idée. Ma présentation inclut l’avis de Wang Xiao qui est très actif dans le metal. Je l’ai interviewé durant l’été 2009 quand je suis retourné à Pékin. En effet, il est à la tête du magazine Xmusic, du label Areadeath, et possède le magasin de CDs 666 Rock Shop au centre de Pékin. C’est donc la personne toute trouvée pour ce genre d’exercice.
La première fois que je suis arrivé en Chine, la sensation a été très bizarre. La Chine que j’avais devant les yeux n’était pas celle des médias européens. C’était le 31 août 2007, j’avais alors étudié le chinois pendant seulement deux ans. La compréhension et la communication étaient vraiment difficiles. Quelque temps après mon installation sur le campus, il fallait que je trouve un lieu où je puisse faire du piano. On me dit qu’il y a un magasin de musique qui loue des petites salles avec piano sous le MacDo tout près de l’uni (encore un, décidément !). Là, je me trouve face à un grand gaillard assez fin, cheveux longs et veste militaire. Je lui dis, avec mon chinois terrible : ‘T’écoutes quoi comme musique ?’ Et là, il ouvre sa veste et me montre son T-shirt de Dark Funeral. C’était Lu Xiaofan d’Evilthorn. Voilà donc comment je suis tombé dans la soupe.
Les lieux
La première salle de concert que j’ai fréquentée se nomme le 13 Club. C’est là que je suis allé le plus souvent, car elle était très proche de mon université. La salle en elle-même et le matériel n’étaient pas extraordinaires. Il faut, par exemple, que de temps en temps quelqu’un vienne resserrer la molette d’une cymbale pour qu’elle ne se fasse pas la malle… Point positif, ils ont de la bière pression pas chère. Une des plus grosses baffes, je l’ai prise au Star Live. C’est une grande salle moderne avec un son énorme. Par contre, le bar, c’est de la vraie daube, il n’y a pas de bière pression, et la bouteille de 33 cl est à cinq francs suisses. C’est deux fois plus grand que l’Usine de Genève et, en plus, il y a un balcon. Je n’ai malheureusement jamais vu de concert au Mao Livehouse, mais tous les échos que j’ai eus sont excellents. Behemoth y a joué l’année dernière. Et enfin, le New Get Lucky Bar, à la rue des femmes, fait une bière artisanale pas mal, le son est très bon, et il y a une scène assez grande pour un bar, mais la fosse est toute petite. La proximité du public avec le groupe permet un bon échange. Derrière, il y a des tables et chaises, comme dans un bar normal. Comme il faut aussi un contre-exemple, le voici ! J’ai vu Arch Enemy dans des conditions terribles. C’était dans la salle d’exposition de Haidian (un peu comme Palexpo). Il y avait une résonnance horrible. On ne comprenait même pas la chanteuse quand elle parlait seule. Pourquoi n’ont-ils pas joué au Star Live ? En Chine, tout change très vite, même pour les lieux underground. J’ai eu quelques surprises à mon retour en été 2009. Le 13 Club a subi un lifting et le son est vraiment meilleur qu’avant. Le Get Lucky Bar a été détruit, et j’ai aussi entendu des rumeurs qui disaient que la sono du Star Live est foutue… La liste n’est pas exhaustive, la ville est énorme, et je ne connais pas tous les clubs. Il y a aussi des festivals en plein air. Le Midi Festival en est un, mais comme c’était l’année des JO, Pékin a été transformée en Disneyland. Donc de mai à octobre 2008 environ, pas de festival, ni de sortie de CD ou de magazine de metal... Tout a été repoussé…
La presse
À Pékin on peut acheter deux magazines de metal dans n’importe quel point presse. En voici donc une brève présentation.
Wang Xiao : En 1999, avec quelques amis, nous avons créé Painkiller, et ce, une année après le magazine Xmusic à Nanjing, une ville a proximité de Shanghai. Au début, j’écrivais pour les deux, mais le plus important restait le magazine de Pékin. Puis à partir du numéro 17, ils ont eu envie que j’écrive plus et que surtout je m’occupe aussi de la nouvelle vague de metal, comme Slipknot ou Linkin Park. Ce n’est pas du tout dans mes goûts, alors j’ai commencé à écrire de moins en moins pour Painkiller. En 2003, j’ai racheté les droits de Xmusic et transféré toutes les activités à Pékin. Donc de cette façon je continue dans une veine plus underground. Ce n’est pas toujours simple, mais c’est ce que j’aime faire.
La scène
Je découvre donc la scène chinoise le jour de la fête nationale chinoise (le premier octobre pour ceux qui ne le savent pas). C’est un festival qui se déroule sur trois soirs. Cela m’a offert un panel de ce qui se fait, il y a du bon comme du mauvais. Je trouve qu’il y a quand même un certain manque d’originalité. Par exemple, l’incorporation d’instruments traditionnels est sous-exploitée. J’ai quand même pu apprécier quelques locomotives locales. Le public qui écoute ce genre de musique est moins important qu’en Europe, on croise plus ou moins les mêmes têtes d’un concert à l’autre. Il est aussi beaucoup plus rare qu’ici de croiser quelqu’un de plus de trente-cinq ou quarante ans. D’une certaine manière, on peut dire que le metal est plus underground qu’en Europe. Mais laissons Wang Xiao nous faire un rattrapage historique et citer quelques noms.
Wang Xiao : Pour la première génération, je dirais qu’il y a le premier album de Tang Dinasty, ce groupe existe toujours, mais ce n’est plus pareil. Il y a aussi Ades (Mingjie). Ensuite, Suffocated, Ritual Day, Heresy et Stale Corpse sont les représentants de la deuxième génération. À ce moment-là, il n’y avait encore que très peu de personnes qui connaissaient le back ou le death metal. Ces groupes sont intéressants parce qu’ils sont des pionniers. Ils ont fait les choses avec conviction et ténacité malgré le matériel qui n’était pas de bonne qualité et le manque de salles pour se produire. C’est eux qui ont largement ouvert la voie et servent de modèles pour les suivants. Ensuite, pour la troisième génération, je choisirais Hyonblud, du grind death de Pékin, et Screaming Savor, un groupe de black de Shanghai. Je trouve qu’ils ont leur propre style et une bonne technique. Mais bien sûr il y a tous ces groupes qui ne font que copier les groupes célèbres. Par exemple, en 1999-2000, il y avait plein de groupes qui ressemblaient à Pantera, Cannibal Corpse, Metallica ou Terror. Ensuite, il y en a eu beaucoup qui ressemblaient à Cradle Of Filth. Maintenant, c’est le tour de Children Of Bodom, Lamb Of God ou Rammstein. Mais je pense qu’ailleurs dans le monde c’est pareil, un grand nombre de groupes suit la mode du moment. Mais, malgré la jeunesse de la scène underground chinoise, la qualité est pas mal. Mais les groupes chinois doivent encore beaucoup apprendre, même s’ils sont célèbres en Chine. Il y a encore un manque de professionnalisme. Ensuite, ce qui ne favorise pas la progression de la scène, c’est qu’à l’heure actuelle les occasions sont trop peu nombreuses de pouvoir voir des groupes étrangers. Par contre, Internet a eu un effet vraiment bénéfique. Tu peux facilement, grâce à YouTube notamment, découvrir un tas de groupes ou télécharger des albums, les mp3 sont souvent disponibles avant la sortie officielle. À l’époque, trouver un CD de Metallica c’était déjà dur, alors je te laisse imaginer pour Krisiun ou Morbid Angel. L’autre point positif, c’est que les groupes chinois peuvent être visibles plus facilement.
- Est-ce dur de sortir un album ?
Wang Xiao : Maintenant, il y a une dizaine de labels. Cela peut être dur, parce qu’il faut de l’argent. Mais d’un autre côté, pas du tout : il te faut juste un ordinateur et Internet. Tu enregistres, tu graves le CD, tu imprimes la pochette et c’est fini. Facile ! C’est une façon de faire… Je trouve cela un peu trop facile, et en général cela nuit à la qualité. Je pense qu’avant de vouloir faire un album, il faut être bon sur scène.
- Le mot de la fin pour cette jeune scène encore méconnue…
Wang Xiao : Je pense que le metal chinois doit penser à grandir, à devenir meilleur. Mais pour ça il n’y a aucune solution miracle, juste le temps. Encore deux, cinq ou dix ans, et il y aura certainement des choses excellentes. Sans le temps, rien ne se passera !
J’espère que ce bref survol de la situation du metal à Pékin vous a donné envie d’en voir plus par vous-mêmes. Et surtout : vive le metal chinois !!!
www.myspace.com/xmusickchina
Barberousse
Interview réalisée en juillet 2009 à Pékin
mis en ligne le : 20.06.10 par graber
TRANSIT MAGAZINE
Design & Webmonstering by Pat.O
Contact: info@transitmag.ch