INTERVIEW - Finntroll (2010)

Des climats orientaux, des instruments inédits, des percussions de pays lointains et oubliés, des histoires de trolls revenus d’entre les morts et de loups-garous : avec ‘Nifelvind’, Finntroll montre qu’il n’est pas du genre à se fixer des barrières… Et livre la preuve irréfutable que même sur les rivages surpeuplés et sclérosés du metal à biniou, il est encore possible d’innover.



- Buzuki, banjo, mandoline, un tambour traditionnel iranien… Les instruments inattendus ne manquent pas sur votre nouvel album. Qui a eu l’idée de les utiliser ?

Le banjo fait partie intégrante de notre son depuis quelque temps déjà. Mais ‘Ur Jordens Djup’, notre précédent album, était le premier sur lequel nous avions enregistré avec un vrai banjo. Pour ce qui est du daf, cet instrument iranien, nous voulions une chanson qui soit plus percussive. Nous nous sommes aperçus que l’un de nos amis savait en jouer. Nous lui avons demandé de nous rejoindre et d’enregistrer quelque chose. Les autres instruments, la mandoline, le buzuki, la guitare bulgare tiennent plus du hasard. Les Sonic Pump Studios, où nous avons enregistré ‘Nifelvind’, sont composés de nombreux studios différents. L’un d’eux contenait pas mal d’instruments du genre. Quand les responsables nous ont vus amener nos accordéons et nos banjos, ils nous ont dit : ‘Hé, vous utilisez ce genre d’instruments ? Venez voir ce qu’on a ici !’ On a pu les essayer et en ajouter encore et encore sur le nouvel album…

- De nombreux groupes apparus ces dernières années utilisent des instruments traditionnels : accordéon, flûte, cornemuse… Expérimenter avec des sons moins convenus était-il un moyen pour vous de montrer que Finntroll a toujours une grosse longueur d’avance ?

Non, du tout. On n’est pas en compétition avec les autres groupes. Ça semblait simplement être la bonne chose à faire pour l’album. C’était plus ‘juste’ d’enregistrer avec de vrais instruments puisque nous en avions la possibilité…

- Allez-vous amener certains de ces instruments sur scène ou utiliserez-vous des samples ?

Nous les mettrons sur synthé. Si on voulait tout jouer, il nous faudrait avoir une cinquantaine de musiciens sur scène. Rien que le transport des instruments nous coûterait les yeux de la tête. Mais nous n’aurons pas non plus recours à des bandes préenregistrées. Ces parties seront véritablement jouées sur scène. Nous avons de la chance : Virta est un excellent claviériste et il sera capable d’incorporer ces instruments dans notre musique, en concert.

- Y a-t-il un instrument que vous n’avez jamais utilisé et que vous rêveriez d’avoir sur un de vos albums, à l’avenir ?

Je ne sais pas. On en a utilisé tellement sur ‘Nifelvind’… On n’aurait jamais cru pouvoir en inclure autant. On a eu de la chance de rencontrer ces gars avec tous leurs instruments. Il faudra attendre le prochain album pour voir si on a d’autres idées dingues…

- ‘Nifelvind’ est extrêmement varié. Avec le recul, crois-tu qu’‘Ur Jordens Djup’ ne l’était pas assez ?

Non, ‘Ur Jordens Djup’ était le bon album à sortir à ce moment-là. On n’aime pas planifier, se dire qu’on doit faire un album qui sonne de telle ou manière. On rassemble simplement nos idées, on compose et on réalise que cette chanson-ci colle mieux aux autres que celle-là. C’est ainsi que la direction générale de l’album se dégage. On ne fait pas quelque chose de différent juste pour faire quelque chose de différent.

- Hors interview, tu me confiais que ‘Under Bergets Rot’, avec lequel vous avez lancé la promo de ‘Nifelvind’, n’est pas un très bon exemple de cet album… Pourquoi l’avoir choisi ?

Cette chanson est efficace, elle contient de bonnes mélodies… Mais il y a tellement plus sur cet album. Bien sûr, nous devions choisir un titre. ‘Solsaga’ est, pour moi, le meilleur de l’album. Il a tout ce que Finntroll représente. Cette chanson résume à merveille ‘Nifelvind’. Mais nous ne pouvions pas la diffuser tout de suite puisqu’il fallait attendre la sortie du clip qui l’illustre. On a donc choisi un autre titre…

- Tu parles du clip de ‘Solsaga’… Le tournage semble avoir été très… exigeant. C’était marrant de jouer les morts, de ramper comme ça dans la boue ?

(rires) Marrant ? Je ne dirais pas qu’on s’est marrés ! Regarde le making of du clip (Ndr : disponible sur la page MySpace du groupe). On me voit me tordre, gigoter tout le temps. Toute la merde qu’on nous a mise sur le dos m’a irrité la peau mais je ne pouvais pas me gratter car ça aurait foutu en l’air tout le maquillage. C’était… une expérience de porter cette merde pendant dix heures. Mais le résultat final est très bon !

- Si l’album ne marche pas, tu ne pourras même pas te reconvertir dans les films de zombies…

Non, probablement pas. Si je pouvais jouer un zombie vêtu d’une robe de moine, ça pourrait encore aller !

- Votre ancien chanteur, Katla, s’est-il à nouveau chargé d’écrire toutes les paroles ?

Oui… Il ne s’agit pas d’un album concept, cette fois. Mais les textes tournent tous autour de ces mythes, des légendes urbaines que tu retrouves aux quatre coins du monde. Chaque pays, chaque région, a ses propres contes mais tous décrivent les mêmes choses. On les retrouve à toutes les époques, sous une forme différente mais toujours avec le même motif en trame de fond. Des histoires de loups-garous, des gens qui vendent leur âme… On parle beaucoup de mort sur cet album. Toutes ces légendes, dont certaines ont plus de mille ans, reviennent à la vie mais dans une forme plus moderne.

- Comment expliques-tu le fait que ces histoires se retrouvent d’une culture à l’autre ? Qu’ont-elles de si fascinant ?

Ces mythes sont une manière d’expliquer tout ce qui fait notre vie. Un enfant disparaissait, on l’expliquait en mettant la faute sur un loup-garou. Aujourd’hui, on accuse les malades mentaux…

- Ça ne t’intéresse pas d’amener également tes propres textes à Finntroll ?

Bien sûr. Mais le groupe, et moi le premier, estimons que Katla est bien meilleur que moi en la matière. Alors pourquoi changer ?

- Ça n’est pas frustrant pour toi ?

Non, au contraire. C’est même plutôt un soulagement. Et Katla est quelqu’un avec qui il est très facile de bosser. Lorsqu’il s’agit de poser les lignes de chant, on a le ‘quoi’, le ‘quand’ et le ‘comment’. Katla est le ‘quoi’ : ce que je devrais chanter. Trollhorn me dit ‘quand’ je dois chanter et je décide de ‘comment’ je vais interpréter ces parties. C’est un triptyque qui fonctionne bien.

- T’arrive-t-il de modifier les textes de Katla ?

Oui, je n’ai parfois pas le choix : je change un mot par-ci ou par-là pour que les paroles collent rythmiquement avec les riffs. Je n’aime pas trop modifier ses textes. Je le fais le moins possible. Je remplace un mot par un synonyme, je modifie l’ordre d’une phrase… Ça s’arrête là.

- Tous vos textes sont écrits en suédois… Avez-vous déjà pensé écrire des paroles en finnois ?

Non, jamais. Je pense que le recours au suédois fait partie du charme de Finntroll et nous n’abandonnerons jamais cette langue. Au milieu des années 1990, il y avait ces groupes de black norvégiens qui ne chantaient que dans leur langue. À mesure qu’ils sont devenus plus connus, ils se sont mis à n’utiliser plus que l’anglais. Je me souviens qu’à l’époque, j’ai été très frustré par ça.

- La tournée commencera en Israël où vous jouerez pour la première fois… Les trolls sont-ils aussi à l’aise sous le soleil du Moyen-Orient que dans une forêt du Nord ?

(rires) Je ne peux même pas imaginer à quoi ressemblera cette date ! Ce concert s’annonce très bizarre et spécial. Je pense qu’on en parlera encore pendant de nombreuses années. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se produire dans ce pays.

- Cette tournée est estampillée Pagan Fest. Chaque année, on retrouve trois à quatre festivals itinérants qui portent ce nom… Ça n’est pas contre-productif ?

Oui, j’ai vraiment ce sentiment depuis deux ans. Je fréquente aussi les forums sur Internet et les gens commencent à en avoir marre de voir sans cesse les mêmes groupes revenir dans un ordre différent. Je ne crois pas que cela va durer encore longtemps. Pour l’heure, c’est un atout pour Finntroll d’être assimilé à cette scène pagan, de pouvoir participer à ces tournées. D’autant que nous sommes amis avec la plupart de ces groupes. Mais je pense que les gens se lassent de cette scène folk ou pagan. Ce genre a véritablement explosé il y a quatre ans mais je ne sais pas combien de temps cette mode va encore tenir le coup. Le côté cool avec Finntroll, c’est que nous sommes plus qu’un groupe de folk. On peut également nous inclure dans un package metal plus traditionnel.

- Lors de notre dernier entretien, en 2008, tu annonçais la sortie d’un DVD en 2009… Alors, où est-il ?

(Hésitant) Je ne sais pas quoi te dire. Il sortira, c’est certain. Mais nous n’avons fixé aucune date, à cette heure. Nous nous sommes concentrés sur notre nouvel album, ces derniers temps et il y a quelques ‘questions’ qui doivent encore être réglées avec ce DVD (long silence). Mais il sortira…

www.finntroll.net

Dave

Entretien téléphonique réalisé le 11 janvier 2010

mis en ligne le : 11.06.10 par graber

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