INTERVIEW - Triptykon (2010) Partie 1

Une renaissance, une vie déchirée qui se recolle… Après avoir claqué la porte du tout-puissant Celtic Frost, après avoir touché le fond, Thomas Gabriel Warrior s’est relevé. Cette nouvelle énergie noire, il l’a trouvée au sein de Triptykon, suintant de la colère et la tristesse du Zurichois. Le parrain du metal extrême s’exprime avec honnêteté sur cette période faste de sa carrière, où la création jaillit de la destruction.





- ‘Eparistera Daimones’ sort dans quelques jours à peine. Comment te sens-tu ?

Fantastique ! J’ai connu des années avec des hauts et des bas. La reformation de Celtic Frost a été une période très intense, musicalement mais aussi humainement, en raison des différends que nous avons rencontrés. Après la mort du groupe, deux années ont suivi, durant lesquelles j’ai dû reconstruire un projet en repartant de zéro. Il m’a ensuite fallu écrire la musique, les textes, produire l’album, tout mettre en place… Après des années de labeur, maintenant que l’album est terminé, je me sens vraiment bien.

- Une partie du matériel présent sur ce premier album a été écrite en vue du prochain disque de Celtic Frost, alors que d’autres titres ont été composés après la mort de ce groupe. As-tu pu essayer des choses sur les titres plus récents qui n’auraient pas eu leur place dans le Frost ?

(Il hésite) Pas nécessairement. Celtic Frost et Triptykon partagent le même compositeur. Il y a donc une continuité entre les deux. J’ai un style propre, certaines idées, et je continue simplement à développer mon écriture. La différence principale entre les deux groupes est que Triptykon fonctionne de manière bien plus constructive. Dans Celtic Frost, chaque idée que j’amenais en répétition était désossée, disséquée, passée au microscope… Ces problèmes d’ego et de compétition ont causé la perte du groupe. Lorsque j’apporte des idées dans Triptykon, l’attitude des autres membres est plus mature. On veut simplement jouer de la musique ; il n’y a pas de conflits d’egos qui interviennent dans ce processus. Si je propose une nouvelle chanson, on la discute tous ensemble mais les critiques ne sont jamais destructives ou insultantes. Toute notre attention est tournée vers la musique et j’apprécie énormément cela.

- Ce que tu dis est intéressant : plus j’écoute ‘Eparistera Daimones’, plus j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un disque très spontané…

J’ai donné pas mal d’interviews pour promouvoir ce disque et de nombreux journalistes me disent qu’il sonne ‘libre’ et ‘sauvage’. C’est exactement mon sentiment. Pour moi, c’est la différence principale avec Celtic Frost. La musique n’a pas été ‘détruite’ pour des questions d’ego. On n’y sent pas de murs ou de liens. Pourtant, les chansons sont plus complexes que celles de ‘Monotheist’. Elles sont totalement noires et pesantes. C’est l’album le plus sombre que j’aie écrit à ce jour. Et, en même temps, ces compos ont ce côté libéré et, d’une certaine manière, plus positif. Comme si un nœud avait été défait. Et c’est exactement ce qui s’est produit sur le plan humain.

- Cette fraîcheur me rappelle un peu ce que tu faisais au sein de Hellhammer… Parlerais-tu de renaissance ?

C’est une renaissance dans la maturité ! Celtic Frost était toute ma vie. Je ne peux même pas exprimer l’importance qu’avait ce groupe pour moi. Et pourtant, je me sens désormais tellement libre ! À la fin, Celtic Frost n’était plus qu’un groupe de personnes qui s’engueulaient. Les dernières fois où nous nous sommes vus à Zurich, on n’a même pas joué une seule note. Je n’invente rien ! On devait se voir pour répéter en vue des concerts et pour bosser sur un nouvel album mais ça tournait à la compétition, au match d’egos et toute cette merde. Triptykon n’a rien à voir avec tout ça. Je suis conscient que la vie tourne et que tout finira par changer mais, pour l’heure, ce projet est totalement constructif. Il est constitué d’une bande d’amis. Après des années de ténèbres dans Celtic Frost, c’est un immense plaisir pour moi de pouvoir travailler avec des personnes qui se soucient davantage de savoir comment sonnera l’album que de leur ego.

- L’album se termine sur les mots : ‘Alors que tu péris, je vivrai’. Il est difficile de ne pas y voir une référence à la mort du Frost et à la naissance de Triptykon…

Tout à fait. Ce dernier titre, ‘The Prolonging’, a été pensé comme une messe. Mais c’est une cérémonie de haine. Je l’ai dit tout à l’heure, Celtic Frost était ma vie et ma vie était Celtic Frost. Les deux sont indissociables et inséparables. J’ai perdu tout ça. (NdR : il est soudain très énervé) Pas parce qu’un membre du groupe est mort ou parce que nous n’avions plus d’idées. Mais parce que quelqu’un (NdR : le bassiste Martin Eric Ain ? On vous laisse poser la question à Tom) avait un ego de merde ! Un ego tellement gonflé que cette personne se foutait pas mal de la musique, des fans, de notre équipe… Cette personne ne s’intéressait qu’à elle-même. Je suis sorti des ruines de ce groupe avec une haine incommensurable contre ce gars qui a tout foutu en l’air au mépris des fans ou de moi-même. Je ne perdrai jamais cette colère contre cette personne. Ma manière d’exprimer mes émotions est d’écrire de la musique. Si je ne ressentais pas toutes ces choses au sujet de la mort de Celtic Frost, je serais cliniquement mort.

- Tes propos peuvent paraître paradoxaux : ‘Eparistera Daimones’ naît de ta colère. Cet album n’aurait donc pas pu voir le jour, sans la mort du Frost ?

Il est en tout cas très probable que cet album n’aurait pas été aussi énergique et puissant. La lourdeur et la noirceur de ce nouveau disque se nourrissent des émotions extrêmes que j’ai connues récemment. La fureur de ce disque n’a rien d’une image ou d’une performance d’acteur. Elle vient de l’intérieur. Je suis très satisfait de cet album. Il a fallu affronter beaucoup de colère pour arriver à ce résultat mais ça en valait la peine. Quand j’étais ce Tom adolescent qui avait fondé Hellhammer, je me demandais si je jouerais toujours du heavy metal une fois la quarantaine passée. J’avais peur de devenir une mauviette commerciale, comme tant de groupes de metal. Et me voilà au milieu de la quarantaine avec le disque le plus énervé et heavy de toute ma carrière. Le jeune Tom serait très fier du vieux.

- Jusqu’ici, seules quatre dates ont été annoncées. D’autres viendront-elles s’ajouter ?

Oui, il y en aura. Le mois prochain, nous pourrons annoncer de nouveaux concerts. Je me réjouis de partir sur la route avec Triptykon. Ça a été une grande frustration pour moi, avec Celtic Frost. On a donné cent vingt-cinq shows sur la tournée de réunion et j’aurais aimé en ajouter cent vingt-cinq autres ! Mais les autres membres ne voulaient pas en entendre parler. Je ne crois pas que ce problème existera, au sein de Triptykon. On prépare une tournée européenne puis une autre aux États-Unis ; nous nous rendrons aussi au Japon, en juin… Mais tout ça doit encore être négocié.

- Tu présentes ce nouveau projet comme l’achèvement d’un ‘triptyque’, formé de tes trois groupes : Hellhammer, Celtic Frost, Triptykon. Joueras-tu des titres de chacune de ces formations ?

Je pense qu’il sera difficile d’inclure le matériel de Hellhammer. Ça ne sonnerait pas juste. J’adorerais, en fait, mais je ne peux pas l’imaginer. Hellhammer était un groupe unique et il est très difficile de le ressusciter de la bonne manière. Mais nous jouerons des compos de Celtic Frost et de Triptykon. Depuis la naissance de ce groupe, nous jouons des titres de Celtic Frost et le résultat est excellent. Ces chansons s’intègrent parfaitement à notre style actuel. Ce sont mes compositions, j’en suis très fier.

- Tu as été nommé curateur du Roadburn Festival 2010, du 15 au 18 avril, où tu organiseras ta propre soirée. Que représente cet événement pour toi ?

Pour moi, c’est un festival hors norme. Contrairement à d’autres manifestations du genre, l’essentiel n’est pas le commerce mais la musique. Walter, l’organisateur, se démène pour garder cette ambiance proche d’un festival jazz. Il ne cherche pas à le rendre toujours plus grand, tout cela pour que l’art reste au centre de ces soirées. J’ai un immense respect pour cela.

- Parmi les groupes que tu as invités, on trouve Darkspace et ShEver. Était-il important pour toi d’offrir cette vitrine à des artistes suisses ?

Je ne me suis pas posé la question de la nationalité des artistes que j’ai contactés. J’ai rassemblé une liste de groupes que j’apprécie, qui comptent dans ma vie. Je voulais des formations que tu ne vois pas tous les jours sur scène, qu’elles soient américaines ou suisses. J’en ai parlé à Walter et on a élagué ma liste pour en faire un programme qui tiendrait la route. Je suis très fier que Darkspace ait accepté. Ils ne donnent que rarement des concerts… Et j’espère que ce show sera pour ShEver une belle opportunité de partager leur musique.

Bientôt la suite de cette interview.

www.triptykon.net

Dave

Entretien téléphonique réalisé le 2 mars 2010

mis en ligne le : 30.07.10 par graber

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