INTERVIEW - Annihilator (2010)

Il m'est déjà arrivé de faire des interviews bizarres ou de les faire dans des endroits particuliers… Mais ce qui m'attendait pour mon entretien avec Jeff Waters, guitariste et cerveau d’Annihilator, c'était quelque chose de nouveau. Pour la tournée promotionnelle de son nouvel album éponyme, le Canadien me reçoit dans le tourbus de son endorser Gibson. Un véhicule plein de confort qui ressemble plus à un Hard Rock Café sur roues, avec guitares, photos et amplis dans tous les coins ! Rencontre avec un Jeff très bavard et disponible.



- Peux-tu nous présenter votre nouvel album, ‘Annihilator’ ?

Qu'est-ce que je peux dire ? Il s’agit du treizième disque studio d’Annihilator, donc si vous êtes superstitieux, il s’agit d’un CD effrayant ! Sérieusement. Je suis né le 13 février 1966 à treize heures. Mon chanteur Dave est né le 13 février 1976. Mais bon, je ne crois pas qu’il y ait un lien (rires). La pochette du CD est effrayante, un mix entre Linda Blair du film ‘L’Exorciste’ et le fantôme de ‘Alice In Hell’. Il y a un million de choses qui le distinguent des autres. Il n’a pas de titre, comme beaucoup de groupes le font au début de leur carrière. J’ai pensé qu’il s’agissait d’une bonne occasion car notre chanteur David Padden a enregistré quatre albums avec nous et je crois que nous sommes de vrais partenaires maintenant. Il ne s’agit plus d’un musicien de session. Ce groupe n’est plus le projet solo de Jeff Waters, maintenant c’est Annihilator, le projet de Jeff Waters et Dave Padden. Il bosse avec moi depuis plusieurs années et, cette fois, il a vraiment eu l’impression de faire partie d’un groupe. Notre ancienne maison de disques (SPV) a fait faillite et nous avons eu la chance d’être libérés de ce contrat juste avant. La production est également bien différente de celle des anciens albums, carrément meilleure. Vu que sans contrat nous n’avions pas de deadline, nous avons eu plus de temps pour travailler. Nous avons publié un disque par année ou toutes les années et demie mais, désormais, on ne le fera que tous les deux ans. Je fais presque tout : j’écris presque tous les morceaux, je m’occupe des guitares et de la basse, je suis l’ingénieur du son, j’enregistre, mixe et masterise. Cette fois, j’ai pu me prendre un peu de temps et me distancer du CD avant le mix et ça sonne mieux. Dave a chanté plus méchamment : il a une autre attitude, il amène plus d’agressivité sur le CD. Sans que ce soit prémédité, les morceaux dégagent une atmosphère proche des premiers albums, surtout au niveau des guitares.

- Il y a plusieurs passages, comme les solos ou certaines harmonies, qui me rappellent effectivement les deux premiers albums du groupe. Les morceaux me semblent aussi très rapides. Était-ce voulu ?

Bizarre… Beaucoup de monde me dit la même chose. Si tu réécoutes le CD, les morceaux deux et trois sont très véloces, très thrash metal et donnent l’impression que l’album est plus rapide. Le premier morceau démarre lentement et est très mélodieux, une sorte de heavy metal des années 1980, rien de thrash. Mais quand le morceau progresse, il devient plus agressif. Donc les trois premiers morceaux donnent la sensation que tout l’album est comme ça mais, après, les rythmes ralentissent même si les guitares restent très rapides.

- Oui, le picking est impressionnant...

Tu sais, je ne dis jamais ça... mais je suis d’accord avec toi (rires). Dans les deux premiers albums (‘Alice In Hell’ et ‘Never Neverland’) et sur ‘Criteria For A Black Widow’, les solos de guitares étaient très importants pour moi. Je ne saurais pas te dire pourquoi. Après, durant plusieurs années, je me suis davantage focalisé sur les rythmes de batterie, les riffs de guitare, la voix. Les solos passaient en dernier, comme une chose à régler rapidement. Sur les deux premiers albums, les solos sont une des caractéristiques qui ont fait connaître Annihilator. Après, j’ai cherché à ne pas me répéter et je me suis concentré sur les rythmiques. Sur ce CD, pour diverses raisons, j’ai donné la priorité à la guitare solo, et j’avais envie de m’amuser à nouveau. C’est comme au début de notre carrière !

- Est-ce que tu as écrit tout l’album ou Dave a-t-il apporté sa contribution ?

Sur les quatre derniers albums, j’ai écrit l’intégralité de la musique, joué toutes les guitares et basse, écrit les parties de batterie et expliqué au batteur comment les jouer et produit les chansons. Maintenant, Dave arrive (il habite de l’autre côté du Canada), je lui donne un CD avec les morceaux où je chante et il commence à travailler dans une chambre chez mes parents, à Ottawa où je vis. Quand un titre est prêt, il entre en studio pour l’enregistrer et il commence avec le deuxième et ainsi de suite. À la moitié des enregistrements, je lui ai donné un CD avec trois morceaux sans voix et je lui ai dit d’écrire les textes. Dave est une personne très sociable et il n’aime pas s’asseoir et écrire des morceaux ; il préfère jouer de la guitare ou sortir avec des potes. Mais quand il écrit, il est génial. Je lui ai dit qu’il pourrait écrire tous les textes s’il veut, mais il faut le forcer un peu.

- Dave passe de parties très mélodiques à des lignes plus agressives. Est-ce qu’il est libre de développer ça tout seul ?

En général, au début, il répète les lignes de base que j’ai chantées sur la démo que je lui donne. Mais parfois, je remarque que ça ne marche pas bien ou seulement une partie et là, il donne son avis. Il ne se pointe pas en studio pour recevoir les ordres du chef. On travaille ensemble.

- Tu disais que Dave était flemmard quand il s’agit d’écrire. Quels sont alors ses points forts ?

Savoir ce que je veux et ce dont la musique du groupe a besoin au niveau du chant.

- Annihilator a été un effort solo durant de nombreuses années. Aujourd’hui comme tu l’as dit, il s’agit davantage d’un projet entre Dave et toi. N’as-tu jamais ressenti le besoin d’avoir un groupe stable ?

Je l’avais tout au début du groupe, en 1985, quand j’ai créé Annihilator avec le premier chanteur, John Bates. Il a écrit plusieurs morceaux de ‘Alice In Hell’ avec moi et d’autres pour ‘King Of The Kill’. Mais c’était plutôt : Jeff plus un chanteur, un bassiste et un guitariste. Quand on voulait enregistrer une démo ou répéter, personne n’était présent. Ils préféraient sortir avec leur copine ou faire la fête. J’en avais aussi envie mais je me disais qu’on pourrait le faire après avoir répété. Pour devenir un bon groupe ou écrire de bons morceaux, il faut répéter plus de trente minutes par jour. Donc j’ai pensé que si ces gars ne voulaient pas le faire, j’allais enregistrer une démo tout seul, la présenter à un label et signer un contrat discographique. Et je l’ai fait ! J’ai même enregistré la batterie. J’ai donc présenté la démo 'Phantasmagoria' et j’ai signé avec Roadrunner. Au final, ils ont signé un one-man band. J’ai dû chercher un batteur et un chanteur (Randy Rampage) pour les enregistrements en studio. J’avais seulement vingt-deux ans, j’aimais aussi faire la fête. Et je n’avais pas vraiment compris que, si dans un groupe il y a quelqu’un qui prend des drogues ou qui boit tous les soirs, qui fait passer sa copine avant les répétitions, ça peut amener des problèmes. Le chanteur Randy n’est même pas arrivé à finir une tournée à cause de ses problèmes de drogue. Après trois mois sur la route, avec des dates prévues aux States avec Testament et une autre tournée en Europe, je me trouvais sans chanteur ! J’ai dû trouver quelqu’un d’autre. Puis le guitariste ne s’est pas pointé pour la tournée. J’ai compris très vite que si je voulais faire carrière dans la musique avec Annihilator, je devrais le faire seul. Tu dois aimer ta musique, honnêtement. Si tu le fais pour l’argent, tu le fais d’une certaine manière, mais si tu le fais car tu l’aimes, tu fais ça d’une autre manière, comme moi. Je n’ai jamais prêté attention aux commentaires de la presse, des fans ou de la maison de disques quand il s’agissait de l’écriture. Certains aiment, d’autres, pas. J’ai écrit des super morceaux mais aussi des mauvais. J’ai eu des super chanteurs et des mauvais. J’ai réalisé de bons albums et des mauvais.

- Est-ce que tous ces changements de line-up ont influencé ta façon d’écrire de la musique ?

J’ai eu la possibilité de travailler avec quelques-uns des meilleurs batteurs du metal et d’autres musiciens très talentueux. Ils viennent, ils jouent sur l’album, des fois ils participent à la tournée qui suit et, parfois, continuent à jouer avec moi pendant quelques années. Mais cela n’influence pas ma musique. Ça m’aide à m’amuser toujours, à rester intéressé par ce que je fais. Début juin, nous allons commencer les répétitions pour les festivals d’été mais je n’ai encore jamais joué ni avec le nouveau batteur ni avec le nouveau bassiste. C’est un challenge pour David et moi…

- Il ne sera sûrement pas facile de trouver le bon feeling, surtout que vous allez commencer par les festivals...

La chose qui m’amuse le plus c’est que les deux nouveaux gars vont donner leurs premiers concerts devant dix mille personnes. Un d’eux répète sans arrêt qu’il n’y aura aucun problème, mais ça nous fait bien marrer, Dave et moi. C’est une chose de jouer les morceaux chez toi ou dans ton local de répétition. Et une autre d’arriver depuis un autre festival par avion, sans avoir pu dormir ou même ne pas avoir suffisamment mangé. Tu as peut-être mal à la tête ou la gueule de bois à cause de la fête de la veille ; tu vas sur scène sans soundcheck (comme toujours dans les festivals), les monitors ne marchent pas et tu n’entends pas ce que tu es en train de jouer et quand tu regardes devant toi, il y a vingt mille personnes. Je souris et j’adore ça. On verra si les nouveaux gars apprécient (rires).

- Tu n’as même pas l’air de te faire du souci...

Non, pas trop (rires). Tu sais, j’ai rencontré notre nouveau batteur à l’occasion des auditions mais nous n’avons jamais joué ensemble sur scène. Mais tout va bien se passer. Il doit rester derrière nous et jouer. Il ne doit pas aller près du public et être un showman. Mais le pauvre bassiste a un mauvais job. Il sera entre Dave et moi, devra rester au milieu, bouger, regarder le public dans les yeux…

- Comment as-tu choisi les deux nouveaux ?

Le batteur jouait dans un groupe italien dont j’ai mixé un CD, il y a quelques années. J’ai donc eu l’occasion de l’écouter jouer et j’ai été impressionné. Quand je l’ai appelé, il était choqué car il n’était jamais parti en tournée. J’aime ça car au moins il n’est pas prétentieux, du genre ‘je suis le meilleur, tout va bien se passer’. Il restera concentré sur son travail. Et ses batteurs préférés sont des anciens musiciens d'Annihilator, Randy Black et Mike Mangini, donc il connaît très bien notre répertoire.

- Plusieurs groupes ont publié un album éponyme à un moment clé de leur carrière (Metallica et son black album). Est-ce que tu crois que ‘Annihilator’ va être aussi important pour toi ?

C’est une bonne observation mais, pour être honnête, je lui ai donné ce nom car je n’avais pas de meilleure idée (rires). Mais c’est vrai que je suis excité. Avant que tout le monde ait écouté cet album, personne ne m’avait jamais donné un tourbus pour assurer la tournée promotionnelle ; la presse n’était pas aussi intéressée... Peut-être est-ce vraiment un moment spécial pour nous ?

- Pourquoi as-tu arrêté de tourner aux States depuis quelques années ?

Tout a commencé en 1993. À cette époque, le metal était mort avec le grunge et plusieurs groupes ont perdu leur contrat. Roadrunner nous a aussi donné un ultimatum : ils voulaient qu’on change de nom, de style musical ou ils nous laissaient tomber. À ce stade, je ne savais plus quoi faire. Mon père m’a fait remarquer que j’avais un petit garçon et que je n’avais plus le temps de tourner pendant des mois aux States. Nous étions déjà bien connus en Europe, au Japon et en Asie. Nous avons décidé de nous concentrer sur ces marchés car je n’avais plus la possibilité de couvrir les States.

www.annihilatormetal.com

Andy Gaggioli

Interview réalisée le 14 avril 2010 à Zurich

mis en ligne le : 17.07.10 par graber

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