INTERVIEW - Crucified Barbara (2009)

Quand on regarde les photos de Crucified Barbara, on se demande comment elles sont dans la vraie vie… Superficielles ? Artificielles ? Glaciales ? Ou tout autre chose ? Dans le salon guest du Transylvania, l’atmosphère est détendue, Mia Coldheart (chanteuse) lit un livre avant de disparaître, Nicki Wicked (batteuse) est en pleine discussion avec un vieux biker suisse allemand qui ne parle pas un mot d’anglais, Ida Evileye (basse) attend patiemment qu’on fasse l’interview et Klara Force (guitare) n’est pas dans les parages. Je vous laisse découvrir par vous-mêmes ce qu’on a appris, suite à une discussion avec Nicki et Ida…



- L’album ‘Til Death Do Us Party’ est sorti depuis plusieurs mois maintenant, qu’avez-vous fait depuis sa sortie ?

Nicki : Pendant l’été, on a fait pas mal de festivals et on a fait beaucoup de concerts en Suède lors des week-ends en février, mars et avril. Après on a joué en Italie et on a pas mal bougé.

- Vous avez un peu changé votre style sur l’album pour vous diriger vers un son plus rock’n roll, quelle en est la raison ?

Ida : Dans les compos et dans le son, il y a eu des changements, mais je pense qu’on est allées dans le bon sens, le son est comme nous voulions qu’il soit.

- Et vous avez rajouté un soupçon d’humour cette fois-ci...

Nicki & Ida : (Rires) Oh oui, on a fait un clip...
Ida : Les vidéos peuvent parfois être un peu prétentieuses et un peu trop sérieuses, mais je crois que celle-ci représentait bien le titre.

- Quel a été le facteur qui vous a poussées dans cette direction plus rock’n roll ? Ça vous a permis d’avoir plus de dates ?

Personne ne nous y a obligées. Je crois qu’on a fait des progrès dans la composition et ceci nous a permis d’avancer et de nous améliorer. On ne s’est jamais dit qu’on voulait sonner d’une certaine façon ; c’était le résultat final qu’on a obtenu.
Nicki : On est très contentes de cet album. Ça nous a permis d’avancer encore un peu, on a fait pas mal de dates et on a même pu jouer en République tchèque. Mais on aimerait bien pouvoir aller jouer en Amérique et au Japon, ça serait cool.

- Par le passé, Mia a participé à pas mal d’albums tribute notamment pour Motörhead, vous faites toutes ça ? Mia m’a l’air d’être davantage sur le devant de la scène maintenant, elle a notamment figuré sur l’album de Bonafide.

Non, je ne l’ai pas fait, mais j’aimerais bien. Ça doit être vraiment cool d’être une guest star sur l’album de quelqu’un d’autre. C’est différent et ça doit être amusant, si on aime bien la musique du groupe, mais ce n’est pas arrivé jusqu’à maintenant. Peut-être dans le futur...

- J’aimerais bien qu’on parle un peu plus de vous en tant qu’individus, histoire de casser ce mythe sur le fait que vous êtes des ‘ice maidens’. En tant que femme, je constate que les filles sont souvent mises à l’écart du rock, vous devez souvent vous battre pour pouvoir avancer ?

Je ne sais pas quoi répondre. On veut juste être un bon groupe de hard rock comme tous les autres, mais on n’a pas choisi d’être un groupe uniquement féminin. Personnellement, ce qui m’avait poussée dans cette direction était la découverte de groupes tels que Nirvana et Hole, tout ce qui était grunge. C’était au début, quand on commençait à écouter de la musique. On était tous fans de groupes tels qu’Alice In Chains, Nirvana…
Ida : On a grandi en écoutant beaucoup de musique et on était toutes d’accord sur le fait qu’on voulait également jouer ce genre de musique, c’était quelque chose d’amusant à faire au lieu de perdre son temps et traîner comme tellement d’ados le font. Pour nous c’est évident et naturel, les questions viennent surtout des journalistes qui accentuent le fait qu’on est des femmes qui jouent ensemble.

- C’est sûrement vrai, mais moi je vous la pose en tant que femme, parce que même les journalistes féminines sont aussi moins bien vues que les mecs. À croire qu’on connaît moins le metal et le rock que les gars…

Nicki : Ce groupe n’a pas été formé avec l’intention de mettre en avant le fait qu’on est des filles. À la base, on habitait dans des quartiers différents à Stockholm et on s’est rencontrées grâce à la musique. On jouait toutes dans des autres groupes avant. On est devenues de bonnes amies.
Ida : On était quatre personnes qui s’entendaient bien, qui avaient les mêmes passions et envies.

- Ok, passons à autre chose. Désolée de vous avoir poussées dans cette direction-là.

Nicki : Ce n’est pas grave, mais pour nous, c’est parfois très difficile de répondre.
Ida : Nos fans viennent à nos shows surtout parce qu’ils aiment notre musique, et on est très fières de notre public qui nous respecte.

- On a souvent l’impression qu’il y a une multitude de groupes qui sortent de la Suède et des autres pays nordiques.

C’est vrai, ça va de la pop au death metal, il y en a de tous les genres. C’est une histoire culturelle et c’est gravé dans la pierre que chaque personne doit apprendre à jouer de la musique. Il y a des centres communautaires où tout le monde peut aller pour apprendre à jouer d’un instrument. Il y a de très bons groupes et ceci motive les autres à s’y mettre à leur tour.
Nicki : C’est financé par l’État et on peut choisir l’instrument qu’on veut. Et il y a même des lycées musicaux, comme il en existe aux États-Unis. Tu peux y jouer de la batterie ou de la basse.

- Vous êtes très modernes en Suède !

Ida & Nicki : Oui (rires) !

- Parmi tous les pays où vous avez joué, selon vous, où se trouvent les gens les plus barges ?

En France !
Nicki : On a beaucoup de personnes qui viennent nous voir jouer, elles nous amènent beaucoup de cadeaux… Et l’Italie aussi. On nous donne même des poèmes. C’est très sympa, mais les gens sont parfois un peu trop en adoration devant nous.
Ida : C’est cool, on le prend comme un compliment, mais parfois c’est un peu trop… mais on est heureuses !

- Et vous avez des projets pour les festivals de l’été 2010 ?

Oui, on a booké des festivals, mais c’est encore secret tant que ça n’a pas été annoncé officiellement (NdSuzy : Wacken, Fiesta Pagana, Get Away Rock Festival).
Nicki : On espère pouvoir jouer dans beaucoup de festivals l’été prochain, à travers toute l’Europe et même plus loin, si c’est possible. J’aime bien l’ambiance et l’atmosphère des festivals, le public et la possibilité de voir jouer des autres groupes.

- Donc vous n’êtes toujours pas soumises au même régime de tournée que Motörhead, trois cents jours par an minimum ?

(Rires) Non, mais ça viendra peut-être.

- C’est facile pour vous d’obtenir des slots ?

Oui, depuis la sortie de cet album on a reçu beaucoup d’offres de dates, c’est comme si nous avions gravi un échelon, on ne joue plus dans les petites salles minables.

- Arrivez-vous à vivre de votre musique ?

Ida : Parfois on est obligées de travailler à côté, on travaille dans des restaurants et dans des magasins.

- Wow, ça casse un peu le mythe !

Nicki : Et moi, je travaille avec les personnes âgées, j’aime beaucoup ce boulot même si c’est difficile. Je monte sur scène devant une centaine de personnes et le lendemain je m’occupe d’une dame de nonante-cinq ans et je l’aide dans les tâches qu’elle n’arrive plus à faire, ou je discute juste avec elle de choses et d’autres ; j’aime la diversité.

- Je suis impressionnée ! Tu travailles donc avec toutes les générations, d’un côté les jeunes qui viennent voir vos shows et de l’autre ceux qui ont besoin d’aide. Encore une fois, ça montre une réelle intégration dans ta communauté, ça fait partie de la vie.

Oui, en effet. Et on peut faire parfois trois shows dans le mois et je vais pouvoir travailler quelques jours entre les dates.

- Et vous dites à ces personnes âgées que vous êtes dans un group de rock ?

Oui, bien sûr ; elles trouvent ça cool, mais je ne pense pas qu’elles aiment le hard rock. Je ne leur ai jamais fait entendre la musique que je joue. Je pense qu’elles écoutent plus de la musique classique.

- Et vos familles vous soutiennent ?

Ida : Oui, absolument, mais au début ce n’était pas le cas pour moi. Ma mère se disait toujours que ce n’était qu’un hobby, une phase qui allait passer, mais ce n’est pas encore le cas (rires). Et maintenant, elle se rend compte qu’on réussit dans ce qu’on fait et du coup elle est très heureuse et très fière. Mais au début, c’était difficile pour elle, elle aurait préféré que je mette l’accent sur mon éducation, dans le but d’avoir un véritable boulot. Ce que je trouve drôle, c’est quand tu rencontres des vieux camarades de classe et qu’ils te demandent ce que tu fais. Quand tu leur racontes que tu fais de la musique, ils te regardent avec un air désapprobateur.
Nicki : Oui, nos anciens amis qu’on n’a pas vus depuis dix ans ont une formation, un boulot et des enfants, et nous c’est différent.

- Mais vous êtes satisfaites de vos vies, non ?

Ida : Oui, je pense que c’est un réel bonheur de pouvoir faire ça. Je ne pourrais pas m’imaginer faire autre chose.

- Mais je te sens hésitante ; il y a un côté sombre ? Être loin de vos familles ?

Oui.
Nicki : Avoir peu de temps libre ce n’est pas évident, parfois quand on est en tournée, on arrive à visiter les villes... Aujourd’hui, c’est très beau, avec les montagnes autour, mais il n’y a pas grand-chose à faire, alors tu passes dix heures à attendre pour jouer, et c’est ça qui est difficile.
Ida : On est parfois agitées et impatientes.
Nicki : Sur cette tournée, on a pu faire des marches quasi tous les jours.
Ida : Tu as l’impression d’être un gitan hard rock. Quand on était à Barcelone, on a eu trois heures de découvertes.

- Et comment s’est faite la tournée avec Bonafide ?

On a reçu des offres d’autres groupes, mais comme on connaît Bonafide personnellement, ça nous plaisait de pouvoir être entre amis.
Nicki : Un tourbus c’est petit et on est très vite à l’étroit. C’est mieux d’être entouré d’amis. C’est difficile parfois de passer de longues heures dans un bus entouré d’inconnus.

- Mais quand ça arrive, vous tissez des liens quand même ?

Ida : Oui, quand on a fait la tournée avec Motörhead, on a passé du temps avec Lemmy, Phil et Mickey. Mickey est un gars typiquement suédois, originaire de Göteborg...

- En tout cas, Lemmy vous apprécie. Lors d’une interview avec lui, il nous avait même conseillé de vous découvrir…

Ida & Nicki : Oooh, c’est génial.

- Si vous avez encore des rêves à atteindre, quels sont-ils ?

Ida : On a déjà réalisé certains de nos rêves, mais je crois que tu te remets en question continuellement, et donc les envies évoluent. On aimerait aller au Japon et aux States.
Nicki : Je crois qu’on voudrait continuer à développer nos techniques. On cherche toujours à s’améliorer, à écrire de nouveaux titres. Beaucoup s’entraîner.
Ida : Je ne m’entraîne pas trop, je trouve ça assez ennuyant, je préfère répéter avec le groupe et faire les enregistrements en studio, c’est un challenge, d’avoir le meilleur résultat à la fin.

- Votre label vous permet une liberté totale dans vos choix ?

Oui, on est très contentes, on a sorti deux albums avec ce label (GMR). On avait songé changer pour un plus grand label, mais à la fin on a décidé de rester avec eux. Comme la responsable nous laisse faire ce dont on a envie, on a pu choisir le producteur et le studio.

- Parlons un peu des festivals, parce que vous êtes encore un jeune groupe avec deux albums. Cette année, la tête d’affiche, dans beaucoup de festivals, sera tenue par des groupes trentenaires tels que Twisted Sister. Vous pensez que les nouveaux arrivants ont réellement une chance d’atteindre les sommets ?

Nicki : Yeah (rires) !
Ida : Eux, ils ont eu leurs grands moments il y a vingt ans et c’était à l’époque où les gens achetaient encore des albums. À cette époque, tu avais moins de groupes, ceux qui arrivaient au sommet étaient vraiment au sommet. Aujourd’hui, il y a tellement de groupes ! Quand un groupe crée un nouveau style, il s’en sort un peu, sinon... Mais aujourd’hui, ce n’est plus possible de créer un nouveau style comme ça. Tout est une copie de ce qui a déjà été fait et déjà entendu. Du coup on aime toujours les originaux.

- Vous avez dit être fans d’Alice In Chains. Eux aussi se sont reformés, après le come-back des groupes eighties, avec Alice, c’est un groupe des années nonante qui est revenu.

Nicki : C’est vrai. Il y a du positif et du négatif.
Ida : Tu peux aller voir jouer AC/DC, mais j’aurais préféré aller les voir à la bonne époque, quand ils étaient jeunes et en forme (rires).
Nicki : Certains l’ont fait (rires).

- Et il y a Bonafide qui se rapproche un peu de tous ces styles eighties.

Ida : C’est vrai, mais ce n’est jamais comme l’original.
Nicki : On aime toujours les originaux, c’est eux qui ont commencé.

- Quel est l’avenir de tous ces groupes dans dix ans, tous ces grands groupes seront à la retraite et en chaises roulantes. Tu penses que l’époque des grands festivals est bientôt révolue ?

Ida : J’espère que d’ici dix ans on fera la tête d’affiche du Wacken.
Nicki : Mais il y a tellement de concurrence aujourd’hui, c’est difficile à dire.
Ida : Il y a tellement de groupes qui jouent aujourd’hui.

- Vous arrivez à découvrir de nouveaux groupes ?

J’adore la musique et j’essaye de faire des découvertes.

- Votre grand favori ?

Mmh, le préféré de tous ? Je pense Judas Priest.
Nicki : Difficile, mais je pense Judas Priest et Led Zeppelin et les trucs comme Black Sabbath.

- Indy : Et si Judas avait besoin d’un nouveau batteur ? Tu relèverais le défi ?
Non, je préfère rester avec Crucified Barbara.

- Vous préférez faire des tournées en tant que headliner ou en première partie de grands groupes ?

Ida : J’aime bien cette tournée, et c’était cool aussi quand on a fait les grandes salles avec Motörhead, mais les fans sont là à la base pour le grand groupe et pas toujours pour toi. Rien ne remplacera l’atmosphère d’une plus petite salle où le public est là pour toi.
Nicki : Si tu as de la chance, tu peux récolter de nouveaux fans.
Ida : Avec la tournée de Motörhead, on avait eu parfois des moshpits monstrueux déjà pour nous, c’est cool, mais tu n’arrêtes pas de penser dans ta tête que quelqu’un va se blesser (rires) !

Et voilà… Le côté féminin et maternel ressort (rires).
Nicki : Et c’est pire quand les gens pratiquent du stage diving. Tu as envie de te cacher les yeux en te disant : ‘ne regarde pas !’

- Mais il y a des avantages à être féminine, on t’offre parfois des fleurs ?

Ida : Oui, et des petites culottes.
Nicki : Oui, ça aussi.

- (Moment solennel quand nous avons offert la marmite de l’Escalade aux filles.) Je suis sûr qu’on ne vous a jamais offert autant de chocolat en une fois ! L’histoire de la marmite est que… (On vous passe les détails, à vous, vous la connaissez l’histoire, non ?)

Ida & Nicki : Merci ! Il faut qu’on montre ça aux autres ! On vous souhaite un bon concert ce soir !

Et voilà comment s’est terminée notre interview avec Crucified Barbara. Elles n’aiment peut-être pas trop quand on leur rappelle qu’elles sont des filles, mais bon, le chocolat, ça marche à tous les coups !

www.crucifiedbarbara.com

Suzy & Indy

Interview réalisée le 4 décembre 2009 à Erstfeld

mis en ligne le : 09.06.10 par graber

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